L'inquiétude des agriculteurs face à la sécheresse

Photo d'illustration

La sécheresse fait rage dans un large quart nord-est du pays. À peine quelques millimètres d’eau sont tombés depuis la mi-mars. Les agriculteurs s’inquiètent.

Déjà 40 jours sans pluie à Saint-Dizier (Marne) et Grenoble (Isère), 1,6mm de pluie en 40 jours dans le Jura, 3,6 mm en banlieue de Lyon entre le 11 mars et le 10 avril... Une large partie nord-est de la France n’a plus vu la pluie depuis plus d’un mois, comme l’illustre François Jobard, ingénieur chez Météo France.

“Très inquiétant”

Un déficit en pluie, conjugué à un vent du nord-est qui a asséché les terres, qui fait craindre le pire aux agriculteurs. “C’est la troisième année consécutive que les mêmes régions sont touchées : le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté, et l’ancienne région Rhône-Alpes. C’est très inquiétant pour les exploitations de ces régions”, s’alarme Joel Limouzin, vice-président FNSEA en charge du risque climatique et sanitaire.

Autour de Lyon, il n’est tombé que quelques millimètres depuis la mi-mars, à la faveur de quelques orages localisés. Une situation qui désespère Elise Michallet, éleveuse de bovins dans le Rhône : “La sécheresse est très sévère, on n’a pas eu d’eau en avril. On n’a pu récolter que 30% d’herbe par rapport à une année normale. Elle ne pousse pas”.

“S’il ne pleut pas sous 7 à 10 jours, c’est foutu”

Conséquence, le fourrage pour nourrir ses animaux pourrait venir à manquer. “Dans 10 jours, les bêtes n’auront plus rien à manger dans les prés, car rien n’a repoussé, on n’a pas pu récolter de foin”, s’alarme-t-elle. “Il faudrait au moins 50 mm d’eau. S’il ne pleut pas sous 7 à 10 jours, c’est foutu. D’ici là, on peut encore sauver une partie des récoltes”, espère-t-elle, les yeux rivés sur les prévisions météo.

Faute d’eau, elle devra acheter du fourrage. “On va s’organiser pour acheter de la paille pour avoir de quoi nourrir les animaux, mais ce sont des dépenses supplémentaires”, s’inquiète-t-elle, alors que les prévisions météo ne prévoient pas de pluie dans les jours à venir dans sa région.

“Le mois de mai sans doute déterminant”

Plus au nord, dans l’Aube, pas davantage de pluie sur l’exploitation de Frédéric Choiselat. “On a des cultures qui n’atteindront pas la moitié de leur rendement. Il faudrait de la pluie, une trentaine de millimètres, la semaine prochaine au plus tard, et pas un simple orage. À chaque jour qui passe sans pluie, les récoltes perdent leur potentiel. Même s’il pleut, le retour à la normal est impossible. On sait qu’on a perdu du potentiel de nos plantations, mais on garde espoir”.

Si le mois d’avril devrait rester sec jusqu’à la fin, il espère un retour de la pluie en mai, pour sauver certaines plantations. “Les céréales souffrent avec la sécheresse, mais le potentiel n’est pas encore totalement perdu. Le mois de mai sera sans doute déterminant”, professe-t-il.

Des surcoûts pour les agriculteurs

À la sécheresse, se sont ajoutées des températures exceptionnelles pour la saison. “Avec la chaleur, on a davantage de pucerons, ce qui a obligé à mettre de l’insecticide sur les betteraves, pour éviter des virus. Cela représente un surcoût de plus”, déplore-t-il. Des surcoûts imprévus, des baisses de rendements des productions agricoles en raison de la sécheresse qui vont affecter les budgets et peuvent mettre en péril certaines exploitations.

Au-delà du fonds des calamités agricoles, cofinancé par les agriculteurs et l’État et qui permet de venir en aide aux exploitants en cas de sécheresse notamment selon certains critères, Joël Limouzin a “alerté le ministère de l’Agriculture pour voir comment aider financièrement avec un apport de trésorerie dans les exploitations de ces régions en priorité, qui cumulent sécheresse et Covid. Il ne faut pas oublier que, dans le Grand Est particulièrement, des agriculteurs ont été infectés par le Covid-19. L’épidémie a aussi désorganisé les flux commerciaux. Quand Covid-19 et sécheresse se cumulent, ça devient rude”, s’inquiète le vice-président FNSEA en charge du risque climatique et sanitaire.

Si la situation n’est “pas encore catastrophique”, le mois de mai devrait s’avérer déterminant pour sauver la majorité des cultures. “S’il pleut 10 à 20 mm par semaine en mai, de manière régulière, le pire pourrait être évité pour ces régions, même si certains dégâts sont déjà irrattrapables”, estime Joël Limouzin. Si le soleil adoucit le confinement pour la majorité des Français, pour les agriculteurs, il est devenu un casse-tête supplémentaire.