« Seasons », « Jamais plus »... Les livres de new romance cartonnent en France et prennent leur revanche

LIVRES - Elle fait voir la vie en rose aussi bien aux lecteurs qu’aux maisons d’édition. Avec plus 6 millions de livres vendus en 2023, la romance représente, à elle seule, 7 % du marché du livre en France, selon le bilan GFK du marché de l’édition. Loin des histoires d’amour à l’eau de rose dépassées, longtemps reléguées au fond des librairies, la new romance est un genre littéraire en pleine explosion.

Marlène Schiappa va publier un livre de « new romance » avec une femme ministre comme héroïne

En cette Journée mondiale du livre, organisée par l’UNESCO pour promouvoir la lecture, impossible de ne pas parler de ce phénomène. Il est partout, de TikTok, où le hashtag #newromance amasse des millions de vues, au Festival du livre de Paris, qui lui a consacré plusieurs exposants en 2024. Ce genre, dont les ventes ont doublé l’année passée, est désormais mis au premier plan dans les librairies, avec des livres à la couverture colorée et au titre aguicheur.

L’arrivée de la new romance en France ne date pourtant pas d’hier. Certaines maisons d’édition se sont positionnées très tôt sur ce marché prometteur, comme Hugo Publishing qui a lancé son label Hugo New Romance dès 2013. Son PDG, Arthur de Saint Vincent, a expliqué au HuffPost ses spécificités, dans la vidéo en tête d’article.

« Dark romance », « romantasy »… de l’amour en tout genre

« Pour répondre au genre de New Romance, il faut, et c’est très important, que l’histoire d’amour soit au centre de toute l’histoire », précise-t-il. Contrairement au roman érotique, avec lequel la confusion est souvent faite, le sexe n’est pas le sujet principal. Il faut aussi « des histoires et des problématiques qui soient contemporaines » et « des héros et des héroïnes modernes ».

Ce genre littéraire a donné naissance à de nombreux sous genres, très populaires sur TikTok. Il y a par exemple la « romantasy », qui mélange livre de romance et de fantasy, dans des univers alternatifs. Comme leur nom l’indique, les « office romances » sont des histoires d’amour qui se passent au bureau, et les « campus romances » mettent en scène des étudiants à l’université.

Les livres dits « MM » ou « FF » qualifient, eux, les romances homosexuelles : MM (« male/male » en anglais) pour les romances gays, et FF (« female/female ») pour les histoires lesbiennes. Et la dark romance, en pleine croissance mais pas toujours adaptée à des jeunes lecteurs, évoque des relations amoureuses toxiques, avec « parfois des scènes de sexe qui sortent de l’ordinaire », selon Arthur de Saint Vincent.

Le succès de la new romance

Mais cette multiplication de sous-genres n’est pas la seule raison du récent succès de la new romance. Pour le PDG d’Hugo Publishing, ce genre se vend surtout mieux car il a progressé : « Les histoires sont de qualité et répondent à des attentes du public. Les livres ne se vendraient pas s’ils n’étaient pas bons ».

La communauté BookTok, qui réunit les fans de lecture sur TikTok, a également fait grossir les rangs des amateurs de new romance. Les lecteurs et lectrices y partagent leurs livres préférés, leurs analyses, et montrent fièrement leur bibliothèque rangée par couleurs. « Ce sont des codes qui répondent à un public plutôt jeune. TikTok est le premier convertisseur d’un lecteur en acheteur de livre, donc ça a beaucoup favorisé l’expansion du marché de la romance », estime Arthur de Saint Vincent.

Un autre facteur, encore plus récent que l’émergence de TikTok, entre en jeu : le pass Culture, mesure phare d’Emmanuel Macron, mise en place depuis janvier 2022. « On n’en parle pas beaucoup, mais c’est vrai. Sur l’année 2023, le genre le plus vendu avec le pass Culture c’est de la romance, et le livre le plus vendu et le plus acheté avec, c’est Jamais plus de Colleen Hoover », détaille le patron d’Hugo Publishing.

Tout le monde se met à la new romance

Pas étonnant, donc, que de nombreuses maisons d’édition lancent leur label dédié à la new romance. Hachette a par exemple créé BMR, pour la « romance sans complexe », et le groupe Madrigall, maison mère de Gallimard et Flammarion, a les éditions Olympe, spécialisées dans la « romantasy ».

Pour Hugo Publishing, cette nouvelle concurrence est plutôt une bonne nouvelle, après des années à voir la romance dénigrée. « Les mêmes qui critiquaient depuis dix ans et notre lectorat, et nous éditeurs qui publions de la romance, s’y mettent aujourd’hui », s’amuse Arthur de Saint Vincent. « Ça me rassure parce que ça montre qu’il y a un marché. Et je trouve ça sain parce qu’ils vont faire grandir le public cible et nous pousser, nous, à nous dépasser aussi ».

Même si elle a parfois encore mauvaise réputation, la new romance a pris sa revanche commerciale et rapporte gros aux maisons d’édition qui ont parié sur ses auteurs et son lectorat, principalement féminin. Hugo Publishing a enregistré 80 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, soit près du double des années précédentes. « Trois quarts de ce chiffre d’affaires venaient de la romance, alors qu’on s’est plutôt construit sur le côté illustré au départ », note Arthur de Saint Vincent.

Longtemps mené par des autrices américaines et anglophones, le marché de la new romance voit arriver des jeunes écrivaines françaises prometteuses. À 28 ans, Morgane Moncomble s’est ainsi hissée à la dixième position des auteurs les plus vendus en France en 2023. Le phénomène de la new romance dépasse aujourd’hui les simples pages des livres puisqu’il se décline même en festivals, où les fans rencontrent les autrices pour des dédicaces, mais aussi en adaptations en films et en séries. Ce n’est que le début d’une belle histoire d’amour.

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