La schizophrénie ne ressemble pas à ça: ces films qui représentent mal la maladie

Joker, Black Swan, Fight Club, Donnie Darko... Ces films cultes sur des personnages atteints de schizophrénie ne reflètent pas la complexité de l'existence des personnes souffrant de ces troubles. Et rendent même difficile leur quotidien en propageant des images erronées. Pour combattre les clichés, l'association PositiveMinders a lancé une campagne décalée aux allures de cérémonie de prix, les SchizAwards.

Cette campagne "est née dans le cadre de la préparation des 21èmes Journées de la Schizophrénie, coordonnées chaque année par l'association PositiveMinders", explique à BFMTV Camille Ginet, à l'origine de l'initiative. "Ces journées visent à déstigmatiser le trouble psychique et à sensibiliser le grand public par le partage de connaissances et d'expériences."

"L'image d'un potentiel criminel"

Dans la majorité des films abordant ce sujet, les personnes souffrant de schizophrénie sont en effet présentées comme une menace pour la société ou des tueurs en série comme dans Fight Club ou Joker. "Avant d’être diagnostiqué schizophrène, j'avais l’image d’un potentiel criminel, du malade très violent, comme dans Fight Club", a raconté à 20 minutes Jean-Baptiste, un étudiant souffrant de ce trouble.

"Le mot 'schizophrénie' fait peur, il est difficile à prononcer. 'Malade mental' renvoie à psychopathe, tueur en série...", a-t-il développé. "Quand on m'a posé le diagnostic, je me suis dit, ce n'est pas moi, j'ai toujours été quelqu'un d'amical, je ne suis pas violent. Je suis entré dans une période de déni de la maladie pendant plusieurs années. Je ne voulais pas voir la réalité en face."

"Il est important de se rappeler que chaque film est une représentation artistique choisie et que notre rôle en tant que spectateur est de s'en imprégner et d'en parler avec un regard critique, car nous avons tous le pouvoir de faire évoluer l'imaginaire collectif", acquiece Camille Ginet qui veut pousser le public "à se questionner sur les interprétations du trouble à l'écran et les expressions qui en découlent".

Elle tient "les médias (responsables) de nourrir les mythes entourant la schizophrénie en la dépeignant comme un trouble associé à la violence et à la dangerosité, voire à la criminalité (environ un tiers des personnages "schizophrènes" au cinéma sont représentés comme des meurtriers)": "Cette tendance à sensationnaliser et à mal représenter la schizophrénie contribue à renforcer les stigmates et les préjugés."

Un trouble associé à la violence

Pour l'association PositiveMinders, qui a fait appel au producteur Vincent Maraval pour parrainer les SchizAwards, il est désormais temps de mieux raconter la schizophrénie à l'écran. "Il est essentiel d'échanger avec des experts des troubles schizophréniques", plaide Camille Ginet. "Il convient de noter qu'il existe plusieurs formes de schizophrénie, et même autant de formes que de personnes concernées."

Pour faire évoluer les perceptions et les attitudes envers la schizophrénie et sensibiliser le public à cette maladie, il est pour elle crucial "de s'inspirer des témoignages de personnes vivant avec le trouble, ainsi que de leurs proches et des professionnels de la santé mentale. De nombreux films ont déjà adopté cette approche, un exemple notable étant Le Soleil de trop près (2022). Cette démarche est extrêmement enrichissante et apporte une dimension d'humanité essentielle aux scripts".

Mais rares sont les films qui réussissent à raconter avec justesse cette maladie. La faute, selon Camille Ginet, aux "représentations erronées présentes dans certains films cultes" qui influencent les imaginaires des réalisateurs. Dans Fight Club, "le personnage principal n'est pas schizophrène à la fin, mais cette interprétation est souvent mal comprise par le public", précise-t-elle. "De même, Split n'aborde pas la schizophrénie, mais traite plutôt du trouble dissociatif de l'identité."

Lors des SchizAwards, le thriller de M. Night Shyamalan, où James McAvoy incarne un individu doté de 23 personnalités, a ainsi reçu le prix du "film où tout le monde pensait que le personnage était schizophrène alors qu'en fait pas du tout." Il coiffe au poteau Black Swan, où une ballerine se laisse submerger par son côté sombre, et Fight Club, sur un homme s'inventant un double pour dynamiter la société de consommation.

Jamie Foxx récompensé

S'appuyant sur l'intelligence artificielle, l'association PositiveMinders a également publié sur son site une vidéo montrant un sosie de Jamie Foxx recevant un prix pour sa prestation dans Le Soliste (2009), où l'acteur américain donne selon elle "la meilleure représentation d'une personne vivant avec une schizophrénie". Le Soliste retrace l'histoire de Nathaniel Ayers, SDF schizophrène devenu un virtuose du violon.

"Ce prix représente beaucoup pour moi", s'exclame le sosie de l'acteur américain. "C'est un rappel que la liberté de créer ne s'oppose pas à la vérité. Parce que les personnes qui vivent avec une schizophrénie méritent de regarder des films qui la décrivent sans avoir systématiquement à se taper le front."

Dans une autre vidéo, un sosie de Ryan Reynolds également généré par intelligence artificielle reçoit le "SchizAward du film qui a voulu montrer un personnage vivant avec une schizophrénie mais qui s'est le plus trompé". Une référence à la comédie noire The Voice (2016). La star de Deadpool y joue un homme schizophrène qui peine à contrôler sa maladie car il refuse de prendre son traitement.

Une idée décalée pour "attirer l'attention du grand public" et l'inciter à regarder les SchizAwards, explique Camille Ginet. L'objectif de ces prix, décerné par un jury réunissant psychiatres, personnes vivant avec une schizophrénie, proches, réalisateurs et acteurs, est désormais de toucher le public international: "Nous travaillons actuellement sur la traduction de la cérémonie en anglais."

Article original publié sur BFMTV.com