Dans le scandale du chlordécone, les victimes vont faire appel du non-lieu

Several thousand people demonstrate in Fort-de-France, Martinique, on February 27, 2021 against the threat of prescription in the judiciary file of the chlordecone, an insecticide accused of having poisoned the French west indies island. - The insecticide was authorized between 1972 and 1993 in the banana plantations of the Antilles islands, polluting water and agricultural production, while its toxicity and its persistent power in the environment had been known since the 1960s. More than 90% of the adult population in Guadeloupe and Martinique is contaminated by chlordecone, according to Sante Public France, and the West Indian populations have one of the highest incidence rate of prostate cancer in the world. (Photo by Lionel CHAMOISEAU / AFP)

JUSTICE - « Un scandale judiciaire » en plus du « scandale sanitaire ». Alors que deux juges d’instruction ont prononcé jeudi 5 janvier un non-lieu dans l’enquête sur l’empoisonnement au chlordécone dans les Antilles, les victimes dénoncent un « déni de justice » et font connaître leur intention de faire appel de la décision.

Le chlordécone, pesticide utilisé jusqu’au milieu des années 90 dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe, est soupçonné d’être à l’origine d’une vague de cancers sans précédents dans la région. L’ordonnance de non-lieu reconnaît un « scandale sanitaire » mais souligne l’impossibilité d’établir des responsabilités pour des « commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes » à partir de 2006.

« Nous allons faire appel de cette ordonnance », a indiqué auprès de Franceinfo Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et avocat historique des victimes du pesticide interdit en France métropolitaine. « Si la cour d’appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu’à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue », a-t-il encore assuré.

« C’est pour nous un véritable scandale judiciaire qui vient s’ajouter au scandale sanitaire », a déploré sur Martinique la 1ère l’avocat de l’Association pour une écologie urbaine Louis Boutrin, qui dénonce une « faillite des services de l’État ». « Dès réception de cette notification, nous allons interjeter appel », a-t-il également indiqué, assurant qu’il épuiserait « toutes les voies de recours dans le droit interne » mais aussi « devant les juridictions européennes et internationales ».

« Pas de justice, pas de paix ! »

Sur les réseaux sociaux, plusieurs personnalités politiques ont déjà fait connaître leur indignation. « Un pesticide interdit en France mais autorisé aux Antilles, y contamine 90 % de la population, dont le taux d’incidence du cancer de la prostate est parmi les plus élevés au monde, et pollue pour des siècles l’environnement. Personne n’est jugé responsable. Honteux ! », a dénoncé la députée Insoumise de Paris Danièle Obono.

« Les victimes du pesticide chlordécone et nos terres polluées pour plusieurs siècles n’obtiendront-elles jamais justice et réparation ? », s’est interrogée l’adjointe à la mairie de Paris Audrey Pulvar, originaire de Martinique. « Pas de justice, pas de paix ! », a de son côté commenté le Sébastien Delogu, député Insoumis des Bouches-du-Rhône.

Utilisé dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, le chlordécone a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu’en 1993, sous dérogation, quand le reste du territoire français en avait interdit l’usage.

Il a provoqué une pollution importante et durable des deux îles et est soupçonné d’avoir provoqué une vague de cancers. Il n’a été banni des Antilles que 15 ans après les alertes de l’Organisation mondiale de la santé. Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte des deux îles est contaminée par ce pesticide.

Pour justifier leur décision de prononcer un non-lieu, les magistrates évoquent notamment la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés ». Elles reconnaissent néanmoins un « scandale sanitaire », sous la forme d’« une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants » de Martinique et de Guadeloupe.

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