Sarkozy rejette la repentance "systématique" mais appelle à reconnaître "nos plus graves erreurs"

Dans un entretien accordé au numéro de l'hebdomadaire Le Point paraissant ce jeudi, Nicolas Sarkozy soulève la question mémorielle et le thème de la repentance nationale. Il évoque notamment le rôle de la France vis-à-vis du génocide rwandais.

"Elle ne peut être systématique et n'avoir comme seul but qu'une posture médiatique. Cependant, un grand pays doit savoir reconnaître les heures sombres de son histoire comme les glorieuses". Interrogé sur la pertinence des politiques de repentance, Nicolas Sarkozy a tenté de se tenir sur une ligne de crête dans un entretien qui paraît dans l'hebdomadaire Le Point jeudi.

Au cours de cette longue interview, accordée dans la résidence familiale de son épouse Carla Bruni-Sarkozy au Cap-Nègre dans le Var et poursuivie à Paris, l'ancien président de la République reprend:

"Il faut être fort pour reconnaître les erreurs commises dans le passé. Cela ne doit pas nous conduire à haïr notre histoire et à déboulonner nos statues. Il faut prendre garde à ne pas juger hier avec les yeux d'aujourd'hui. À la repentance systématique, je dis clairement non. À la reconnaissance de nos erreurs les plus graves, je dis oui", résume-t-il, assurant qu'il a tenu cette position devant le président turc Recep Tayyip Erdogan au sujet du génocide arménien.

Deux dossiers différents

Est-ce à dire que la France devrait faire amende honorable concernant la colonisation en Algérie, ou au sujet du génocide au Rwanda? Le 26 mars dernier, l'historien Vincent Duclert a d'ailleurs remis à Emmanuel Macron un rapport sur la responsabilité française devant le massacre de l'ethnie tutsi par les Hutus en 1994. "Il faut toujours accomplir un effort de mémoire. Mais le génocide rwandais et la colonisation en Algérie ne sont en aucun cas comparables", répond Nicolas Sarkozy, ajoutant:

"Je ne partage pas l'idée selon laquelle la colonisation s'apparente à un crime contre l'humanité. Celle-ci a eu des aspects dramatiques que personne ne peut nier. Elle a été profondément injuste et brutale… Je l'ai moi-même qualifiée de 'faute' dans le discours de Dakar. Mais il est juste d'affirmer qu'il y a eu des souffrances et des erreurs des deux côtés."

Impuissance française

Mais c'est le Rwanda, où l'ex-chef de l'exécutif s'est rendu à l'hiver dernier, qui a motivé l'entretien et aimanté la plus grande partie de l'échange. Nicolas Sarkozy affirme même le Rwanda fut le thème de l'une de ses "premières discussions avec Emmanuel Macron peu de temps après son élection". Il a détaillé sa vision du rôle, trouble, joué à l'époque par la France:

"La dérive génocidaire du gouvernement rwandais de l'époque a été gravement sous-estimée par l'ensemble de la communauté internationale, dont la France." "La communauté internationale était sur place, mais elle est restée impuissante! Au moins jusqu'à l'opération Turquoise, qui est arrivée trop tardivement", a-t-il relancé.

La France "n'a pas été complice du génocide"

Quels mots poser, alors, sur l'action française au Rwanda? Pour Nicolas Sarkozy, il s'agissait avant tout de cécité: "J'avais parlé (lors de sa visite dans la capitale rwandaise il y a onze ans, NDLR) d''erreurs', d''erreurs politiques' et d''aveuglement', jusqu'au plus haut niveau de l'État. Et, en réalité, surtout au plus haut niveau de l'État, comme le montre le rapport". Il livre plus tard des noms: "L'aveuglement dramatique était le fait d'un petit groupe au plus haut sommet de l'État: chef d'état-major particulier, cellule Afrique et le président Mitterrand lui-même."

Il a toutefois contrebalancé: "Mais j'ai toujours considéré que la France n'avait pas été complice de cette monstruosité. Il n'y a pas eu de complicité de la France, de l'armée française dans ce projet raciste. Cela doit être affirmé avec force".

Article original publié sur BFMTV.com

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