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Saône-et-Loire : un lycée militaire accusé de discriminer et décourager une élève noire

Des professeurs auraient été encouragés à discriminer une élève à cause de ses origines - Getty Images/Westend61

Le journal Le Parisien a révélé des documents laissant penser que la direction du lycée militaire d’Autun, en Saône-et-Loire, a essayé d’éloigner une élève de la filière générale. Ses origines pourraient être en cause.

C’est une accusation d’un autre âge dont fait l’objet le lycée militaire d’Autun, en région Bourgogne-Franche-Comté. En effet, d’après des documents internes révélés par le journal Le Parisien, une élève arrivant d’un établissement au Congo-Brazzaville aurait été volontairement découragée de rester en filière générale par la direction du lycée et certains de ses professeurs. Ces derniers auraient eu le droit de modifier leurs appréciations au-delà de la date autorisée habituellement pour inciter ses parents à la diriger vers une filière professionnelle inexistante dans cet établissement.

Comme le montre un courriel interne obtenu par nos confrères, le 14 mars 2023, la proviseure adjointe du lycée militaire a indiqué aux professeurs de Perle (le prénom a été modifié) qu’il est "nécessaire d’être explicite dans les appréciations du bulletin sur son niveau scolaire réel au regard des attendus". Et d’ajouter : "De ce fait, vous pouvez modifier vos appréciations jusqu’au lundi 20 mars", la veille du conseil de classe, contre le 10 mars à 23h59 pour les autres élèves. La responsable pédagogique justifie son propos par le fait que l’élève de seconde aurait accumulé de grosses lacunes durant ses années en Afrique et qu’elle devrait donc être orientée vers une filière professionnelle malgré la volonté de ses parents.

Une discrimination courante ?

Seul problème, les notes de Perle - une moyenne générale de 10,2/20 au premier trimestre et de 9,7/20 au deuxième - ne justifient pas un tel traitement de défaveur. Et pour cause, d’autres élèves ayant des résultats similaires ne se voient pas découragés dans leur orientation. Pire, plusieurs professeurs félicitent les efforts de la jeune fille. Pour le professeur de géographie, elle a fait "de beaux progrès" tandis que son enseignant d'histoire-géographie souligne une "attitude très positive en classe".

Pour le Cran (​​Conseil représentatif des associations noires), aucun doute, il s’agit d’une discrimination liée aux origines de la lycéenne. "Nous avons déjà eu de nombreuses remontées de ce type. Mais sans preuve jusque-là. Cette fois, ce courriel dit tout haut ce qui se passe d’habitude trop souvent, en catimini, dans les coulisses des conseils de classe. L’orientation scolaire est parfois biaisée par des stéréotypes liés aux origines. Ces préjugés affectent lourdement le cursus et le destin des élèves concernés. Ce qui est vrai du genre, des origines sociales est aussi vrai des origines ethniques", explique Louis-Georges Tin, membre de l’association.

"Il n’y a aucun acte de discrimination, nous avons souvent des élèves étrangers"

Celle-ci a donc porté plainte auprès du procureur de la République de Chalon-sur-Saône pour "discrimination et abus de pouvoir" et a saisi le ministère de l’Éducation nationale pour qu’il enquête sur ces supposées orientations au forceps en fonction des origines des élèves. Également contacté par Le Parisien, le rectorat n’a pas commenté la situation. Contrairement à la direction du lycée militaire d'Autun qui a communiqué par la voix de son chef d’établissement, qui porte le grade de colonel : "Il n’y a aucun acte de discrimination, nous avons souvent des élèves étrangers et une Ivoirienne vient d’ailleurs de finir sa scolarité et d’entrer en médecine". Il poursuit : "Ce mail, c’est simplement un travail préparatoire au conseil de classe, comme cela arrive souvent. Nous avons accompagné cette élève en mettant en place un suivi et une aide particulière justement. Car nous ne sommes pas dans l’objectif élitiste d’éviction des lycéens en difficulté pour avoir un bon taux de réussite ensuite au bac. Mais il faut juste parfois faire comprendre aux parents le niveau réel de leur enfant. Il n’est bon pour personne d’être en échec scolaire. Tout le monde n’est pas fait pour poursuivre ses études en filière générale. Là, le niveau de cette enfant est alarmant, malgré tous les efforts qu’elle fournit."

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