Le Salon de l’agriculture sera-t-il festif ou politique ? Ces agriculteurs nous racontent leurs attentes

Alors que la mobilisation se poursuit pour les agriculteurs en France et en Europe, trois d’entre eux nous ont expliqué ce qu’ils attendaient (ou pas) du Salon de l’agriculture.

« Comme chaque année, on sait qu’il y aura beaucoup de politiques et qu’avec la mobilisation en cours, on aura une pêche à la récupération. » explique Antoine Thibault, éleveur
SAMEER AL-DOUMY / AFP « Comme chaque année, on sait qu’il y aura beaucoup de politiques et qu’avec la mobilisation en cours, on aura une pêche à la récupération. » explique Antoine Thibault, éleveur

AGRICULTURE - Le Salon de l’agriculture ? « Pour caricaturer un peu, c’est une grande ferme pour Parisiens », décrit en riant Antoine Thibault, éleveur de vaches laitières en Normandie. Chaque année, des centaines de milliers de visiteurs y passent pour rencontrer des agriculteurs, découvrir les produits des terroirs français, et assister à des tables rondes et animations diverses.

Sur Agri’écoute, ligne d’écoute pour les agriculteurs, les psychologues soulignent une « crise de reconnaissance »

Pendant une semaine, l’évènement se veut avant tout festif. Mais alors qu’à travers l’Europe, les agriculteurs font entendre leur colère et qu’en cette veille d’ouverture du salon, une mobilisation est en cours à Paris, qu’est-ce que les premiers concernés espèrent de ces quelques jours ? Les agriculteurs et agricultrices s’attendent-ils à une semaine de mise à l’honneur, ou à un espace de rapport de force avec les (nombreux) politiques attendus ? Le HuffPost a posé la question à trois d’entre eux.

« J’y vais largement pour le côté festif » - Antoine Thibault, éleveur laitier en Normandie

« J’ai participé aux mobilisations de ces dernières semaines, et ça a été un moment fatiguant. Alors, cette année, je me rendrai au salon de l’agriculture, largement pour le côté festif : j’y vais pour rencontrer les copains agriculteurs avec qui on échange régulièrement sur les réseaux sociaux, pour rigoler et discuter. Pour faire découvrir notre métier aux gens qui ne sont pas du monde agricole aussi, parce que ce sont toujours des moments sympas.

Ça me plaît aussi d’aller voir la partie élevage, les meilleurs animaux de chaque race française qui y sont représentés, et parler avec les éleveurs d’animaux d’élite. Mais professionnellement, ça n’a pas beaucoup d’intérêt.

Comme chaque année, on sait qu’il y aura beaucoup de politiques et qu’avec la mobilisation en cours, on aura une pêche à la récupération. C’est le jeu, et on les voit venir de loin, mais j’ai l’espoir qu’avec les débats en cours depuis plusieurs semaines, le salon puisse être un espace d’échange, un moment pour que les politiques parlent avec les agriculteurs présents qui ne sont pas forcément les leaders syndicaux. Et cette actualité permet de faire durer la séquence “agriculture” dans l’actualité : le débat dure depuis plusieurs semaines, ça peut déboucher sur quelque chose de positif. »

« Le Salon de l’agriculture, c’est une mascarade » - Fabien*, producteur de légumes bio en Bretagne

« Je n’ai pas participé aux actions de ces derniers temps, mais je suis aussi en colère. En tant que producteur de légumes bio, je suis face à une impasse : en ce moment, produire une tête de chou-fleur me coûte environ 60 centimes, mais je les vends bien en dessous de ce prix. Par contre, en grande surface, le prix est bien plus élevé pour le consommateur. Selon moi, ce dont les agriculteurs ont besoin, c’est d’un espace d’échange avec les politiques et la grande distribution, où tout le monde joue carte sur table et où la grande distribution assume de se gaver sur le dos de tout le monde.

Le Salon de l’agriculture, ça n’a rien à voir avec ça. Pour moi, c’est du tourisme ou un événement commercial, mais ce n’est pas de l’agriculture. J’y suis déjà allé, mais je n’irai plus jamais : c’est une mascarade. On ne voit pas les conditions réelles de production et de travail des agriculteurs. Il n’y a aucun espace pour améliorer nos conditions de travail, notre rémunération. Alors que ce qui est en jeu, c’est la pérennité de notre production, de la santé publique, et de notre souveraineté alimentaire. Il faut que ça bouge ! »

« C’est un moment de reconnaissance » - Anna, agricultrice en Franche-Comté en polyculture et élevage

« J’ai participé aux mobilisations récentes, et je suis solidaire des agriculteurs qui font valoir leurs droits. Je serai présente au salon de l’agriculture pour participer à une table ronde, faire découvrir mon métier, mon produit grand cru.

Je vais principalement au salon de l’agriculture pour faire de la communication positive sur notre travail. Rencontrer les visiteurs, échanger, partager, faire découvrir notre savoir-faire. J’adore ! C’est un moment de reconnaissance, où les consommateurs peuvent nous montrer qu’ils sont avec nous.

Côté politique, j’espère des annonces favorables et que les élus présents nous écouteront. Mais je ne m’attends pas à grand-chose. Les politiciens viennent au Salon parce que c’est dans leur agenda, mais est-ce que les discussions vont être fructueuses ? Je ne sais pas. »

* Le prénom a été modifié

VIDÉO - Salon de l'agriculture: des tensions très vivres dès l'arrivée d'Emmanuel Macron