Salon de l’agriculture : Macron annule le grand débat, les agriculteurs avaient pourtant plein de questions
AGRICULTURE - Ce devait être la solution miracle. Le moyen pour Emmanuel Macron d’éteindre la colère du monde agricole. En ouverture du salon de l’Agriculture, le chef de l’État comptait renouer ce samedi 23 février avec l’exercice du grand débat : deux heures de confrontation, « sans filtre » promet son entourage, avec des agriculteurs dans un « ring » de la porte de Versailles.
Mais depuis que l’Élysée a fait savoir que le collectif des Soulèvements de la terre était sur la liste des invités, la polémique ne faiblit pas. Au point que, malgré le rétropédalage présidentiel, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs demandent à Emmanuel Macron de renoncer à ce format. Ce qu’il a finalement fait après 24 heures de tergiversation.
Dommage pour les agriculteurs qui avaient de nombreuses questions auxquelles la nouvelle conférence de presse de Gabriel Attal ce mercredi n’avait pas répondu. Voici celles que plusieurs agriculteurs interrogés par Le HuffPost auraient aimé poser au président de la République. Elles témoignent des problématiques rencontrées sur tout le territoire.
« Voulez-vous une agriculture en France ? »
« J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de paroles et pas beaucoup d’actes. Rien n’a bien changé depuis les dernières manifestations », estime Mickaël Morel, agriculteur dans l’Ain où il est également maire de la commune de Jayat. Pour commencer, c’est presque une question existentielle qu’il pose. « Monsieur Macron, voulez-vous encore une agriculture en France ? », lui demande-t-il.
Agriculteur bio dans le sud Finistère, Adrien semble lui aussi lassé par cette séquence. « L’agriculture française a-t-elle encore espoir de retrouver une image saine et lumineuse pour exister par nécessité, ou doit-elle être seulement un pion politique ? », demande le jeune homme de 23 ans. Depuis la Bourgogne où il travaille sur une ferme polyculture en agriculture de conservation, Brice entre un peu plus dans le détail et évoque la mondialisation de l’agriculture.
« Quelle solution durable apporterez-vous aux agriculteurs sans moyens techniques (insectes, désherbage) pour affronter les marchés mondiaux qui inondent la France de produits interdits à la production ici ? », demande-t-il. Le ministère de l’Agriculture vient bien de signer un arrêté pour proscrire les produits importés traités avec l’insecticide thiaclopride mais sa portée est limitée. Surtout, on peine à comprendre comment se concrétisera l’objectif de souveraineté agricole, véritable mantra de l’exécutif depuis le début de la crise.
Le revenu et la retraite, deux questions de dignité
Laurence Cormier, cheffe d’une exploitation de vaches laitières en Mayenne renvoie, elle, Emmanuel Macron à ses promesses de campagne. « Dans votre programme électoral en 2017, vous disiez vouloir “que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail par un juste prix payé”. Sept ans plus tard notre métier ne s’est pas amélioré », déplore l’agricultrice de 60 ans qui parle du prix de vente de son lait à 43,5 centimes d’euro le litre. Si le gouvernement a promis pour avant l’été une nouvelle loi Egalim pour assurer un meilleur revenu aux producteurs, elle réclame plus. « Comment comptez-vous concrétiser l’engagement électoral de votre premier quinquennat pour assurer la dignité des agriculteurs ? », demande-t-elle au chef de l’État.
D’autant plus que cette question de « la dignité » ne s’arrête pas le jour où ces femmes et ces hommes de la terre arrêtent de travailler. Gabriel Attal a bien promis de rouvrir le débat de la retraite des exploitants agricoles mais le temps presse. « Pourriez-vous vivre avec 800 euros de retraite ? », lance très concrètement depuis le Doubs Anna, 54 ans, dont la production principale est de l’emmental Grand Cru Label Rouge. Selon la MSA, la pension moyenne d’un agriculteur non salarié avec une carrière complète était en effet en 2022 de 864 euros brut.
Et ces agriculteurs qui partent à la retraite vont être de plus en plus nombreux ces prochaines années, relève Thomas, fils de viticulteur à Saint-Véran. Il s’inquiète pour « un monde agricole en danger » avec cette démographie déclinante. Lui-même en bac pro conduite et gestion d’une entreprise agricole qu’il suit en alternance, il envisage de « s’installer sur la ferme familiale dans les prochaines années ». Mais aimerait de l’aide. « Qu’envisagez-vous de faire pour aider et encourager davantage les jeunes agriculteurs passionnés à s’installer ? », interroge-t-il.
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