Salon de l’Agriculture : Attal et Macron cherchent la bonne formule pour sortir de la crise agricole

Le Premier ministre Gabriel Attal, et le Président de la République Emmanuel Macron, photographiés lors de l’hommage national à Robert Badinter.
LUDOVIC MARIN / AFP Le Premier ministre Gabriel Attal, et le Président de la République Emmanuel Macron, photographiés lors de l’hommage national à Robert Badinter.

POLITIQUE - Gabriel Attal en est conscient. En conférence de presse mercredi 21 février, il a reconnu que les réponses apportées par l’exécutif à la crise agricole « ont permis de lever les barrages, mais pas tous les doutes ». Si le Premier ministre est sur le terrain ce vendredi, en Charente-Maritime où il rencontrera des agriculteurs, la tâche incombe surtout à Emmanuel Macron.

Au Salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron va renouer avec le format du grand débat

Attendu comme le veut la tradition à l’inauguration du Salon de l’Agriculture ce samedi 24 février, le chef de l’État sait que la situation est toujours aussi éruptive. En témoignent les réactions exaspérées de certains agriculteurs qui, du siège de Lactalis à Laval au blocage de l’autoroute A62 dans le Tarn-et-Garonne, poursuivent les actions coup de poing et maintiennent de fait la pression sur l’exécutif.

En témoigne aussi le format privilégié par Emmanuel Macron, qui renouera sur place avec l’exercice du grand débat avec des agriculteurs. Soit le recours à son arme anti-crise par excellence, grâce à laquelle il avait réussi à désamorcer la bombe sociale des gilets jaunes en 2019. La formule peut-elle être reproduite auprès d’une profession aux difficultés diverses et multiples, et dont les représentations syndicales affichent des attentes souvent contradictoires ?

Des mesures « insuffisantes »

Il est, quoi qu’il en soit, attendu au tournant. « La France a un régime présidentiel, les agriculteurs attendent que le chef de l’État parle », prévenait dès mercredi le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Comme si, en dépit des efforts déployés par le chef du gouvernement et du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, seul Emmanuel Macron détenait la clé du désamorçage.

« Échanger longuement avec des agriculteurs représentatifs de la base, c’est essentiel pour sortir de la crise », décrypte auprès du HuffPost Jean-Baptiste Moreau, ex-député LREM de la Creuse et interlocuteur régulier du chef de l’État sur les questions agricoles. Agriculteur de profession, l’intéressé estime aussi qu’une partie seulement du chemin a été fait pour répondre à la colère. « Il fallait annoncer toutes ces mesures, mais c’est insuffisant. Les agriculteurs ont besoin que le Président leur dise où on va, qu’il leur assure que l’agriculture conservera son modèle productif pour nourrir la France et en Europe », poursuit Jean-Baptiste Moreau, qui s’attend à des échanges « tendus » entre ses collègues et Emmanuel Macron.

« C’est hyperimportant de donner une vision, parce que les gens, et notamment les plus jeunes qui hésitent à se lancer, doutent », abonde le député macroniste Pascal Lavergne, lui-même éleveur et ingénieur agronome. « Et quand ça vient de la bouche du Président, ça a déjà plus de poids », ajoute le député de Gironde, qui plaide pour faire de l’agriculture « un sujet régalien », au même titre que la défense nationale ou la sécurité intérieure. Mais au-delà d’un cap théorique et des déclarations d’intention, Emmanuel Macron devra aussi présenter des avancées concrètes pour convaincre.

« Sans filtre »

C’est du moins ce que souhaite Nicole Le Peih, députée Renaissance du Morbihan et agricultrice de profession, qui accompagnera le chef de l’État ce samedi. « L’engagement qui serait bien reçu, c’est que la simplification administrative promise soit visible dès l’année 2024 », espère-t-elle auprès du HuffPost, citant également l’épineux sujet de la rémunération des agriculteurs parmi les thèmes à aborder. Il se pourrait qu’elle soit déçue. Face à la presse ce jeudi 22 février, l’Élysée n’allait pas jusqu’à vendre des annonces sonnantes et trébuchantes, mais un moment d’échange « sans filtre » avec les agriculteurs, les industriels de l’agroalimentaire et les associations environnementales.

Objectif : « construire ensemble une vision commune sur le futur de l’agriculture ». Rien de moins. Parmi les invités, l’Élysée a d’abord visé large, imaginant un panel allant du PDG de Lidl Michel Berio au groupe « Les Soulèvements de la Terre ». Casting finalement revu dans la soirée, l’entourage du chef de l’État écartant finalement « pour garantir la sérénité des débats » ce mouvement écolo, que l’exécutif avait tenté de dissoudre, avant d’être recadré par le Conseil d’État. L’événement réunira des agriculteurs et leurs représentants mais aussi des distributeurs, des industriels « et des défenseurs de l’environnement », assure l’Élysée. Soit la promesse d’échanges animés qui devraient s’étaler sur deux heures « minimum ».

« Ça va être chaud, mais c’est quand il est au combat qu’il est le meilleur », anticipe par avance Jean-Baptiste Moreau, qui sera présent dans les allées du Salon. À défaut d’être novatrice, la méthode est effectivement éprouvée. Reste à savoir si cette thérapie collective, qui devra aller au-delà du service après-vente des mesures annoncées par Gabriel Attal, saura apaiser le mal agricole.

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