Saint-Etienne: joueurs, dirigeants… ce qui va changer après le rachat mené par Gazidis

A Saint-Etienne, on ne fait jamais les choses comme les autres. Et à moitié! Mais au contraire, tout en double! En 2022, les Verts dégringolent d’un étage en ajoutant au KO sportif, du chaos avec les supporters qui laissent des traces visibles et invisibles, dans la continuité, notamment des huis clos à répétition et procès des fans en novembre de la même année. En 2024, l’ASSE remonte dans l’ascenseur accompagnée d’une vente qui forcément complexifie l’intersaison, avec de nouveaux process à mettre en place entre des hommes qui doivent apprendre à se connaître.

Deux fins de saison, deux salles, deux ambiances: et si les larmes noyées de gaz lacrymogènes, lancées par les forces de l’ordre qui doivent canaliser les débordements en ce soir du dimanche 29 mai 22 à 21h48, laissent place 24 mois plus tard, à des yeux mouillés de joies à l’atterrissage des joueurs à l’aéroport d’Andrézieux Bouthéon au retour de Metz, la complexité reste d’actualité. Certes, elle est moins anxiogène à porter, mais elle n’est est pas moins délicate à mener. Il faut passer le témoin, en reconstruisant un effectif, tout en apprenant à se connaître et à travailler ensemble!

Passation de pouvoir en douceur

Ce premier week-end de juin devient soudain historique avec un alignement idéal de planètes: le jeudi 30 mai au soir, sur le terrain, l’ASSE se place en ballottage favorable (2-1 face à Metz à Geoffroy-Guichard) dans la première manche du barrage de montée. Le vendredi 31 mai au matin, les deux patrons « historiques » (Roland Romeyer et Bernard Caïazzo) démissionnent de leur société détenant le club depuis 2004, une étape qui entrouvre la vente des Verts à Kilmer Sport, détenu par un homme d’affaires et du sport business canadien, Larry Tanenbaum. Le dimanche soir, la montée sportive intervient après un nul arraché en prolongations à Metz (2-2). Au retour, les festivités se prolongent dans la nuit (blanche pour certains) ce qui n’empêchent pas les fêtards d’être à l’heure du rendez-vous de présentation des "acheteurs" aux joueurs, le lundi à 10h. En milieu d’après-midi, un communiqué de presse annonce la vente, avant qu’une mini-tournée médiatique soit mise en place en début de soirée.

De la première prise de parole devant les joueurs le matin (doublement historique) à l’Etrat (centre d’entraînement) à celle à 14h devant les salariés jusqu’au rapide jeu des questions-réponses avec les journalistes à 17h30, Ivan Gazidis répète à l’envi son ambition et son envie d’une "évolution plutôt que d’une révolution". Il n’oublie jamais dans cette journée de présentation que son ambition doit s’entendre "à long terme", avec des moyens apportés "step by step" et autour du seul club de Saint-Etienne "sans volonté de créer une entité en multipropriété."

De quoi rassurer employés, joueurs, staff … et ex-propriétaires, qui ont tenu leur parole d’un soir de descente: "ne licencier personne dans ces deux ans qui doivent permettre la remontée". Les nouveaux l’ont répété les yeux dans les yeux aux salariés. Beaucoup peuvent partir en vacances avec la joie de la montée doublée de la sérénité d’un avenir consolidé.

Travailler ensemble

Conforté dans ses fonctions respectives, le triumvirat à la tête du club depuis le retrait opérationnel de Roland Romeyer dans la période trouble de 2022, Jean-François Soucasse, président exécutif, Loïc Perrin, directeur sportif, et Samuel Rustem, directeur général adjoint, apprend depuis le 3 juin à travailler avec les bras droits de Ivan Gazidis : Huss Fahmy, plus en charge des finances et de la structuration et Jaeson Rosenfeld, spécialiste des datas. A chacun de trouver ses marques et son champ d’expertise, dans un univers nouveau pour les uns et pour les autres, avec l’anglais comme fil conducteur. "Tout se déroule avec bienveillance, intelligence et complémentarité", rapporte un habitué des bureaux du club tandis qu’un autre insiste sur la confiance réciproque: "la qualité du centre d’entraînement de l’Etrat où les ex-actionnaires ont beaucoup investi a agréablement surpris les nouveaux entrants quand les vendeurs apprécient le discours du maintien des salariés, martelé par les acheteurs."

Ils ont en ligne de mire le passage devant la DNCG, le 19 juin prochain. On peut imaginer que cet examen tourne à l’exercice de routine, tant les précédents oraux devant le gendarme financier du foot français se sont déroulés sans encombre, avec les anciens propriétaires.

Roland Romeyer, qui garde avec d’autres amoureux de l’ASSE, quelques actions dites de 1996, quand il a fallu sauver le club d’une première faillite – avant le second sauvetage de l’ex-patron avec sa société Sacma Agencement en 2004 – va de son côté rester à la tête d’ASSE Cœur vert et du musée, deux entités qu’il a tenues à porter. Avec son ancrage stéphanois auprès des élus et du monde économique, il reste un atout pour les nouveaux patrons nommés par le milliardaire canadien, Larry Tannebaum quand il s’agit et s’agira de porter des dossiers locaux.

Constituer un effectif de Ligue 1

Dès sa première prise de parole, Ivan Gazidis a conforté Olivier Dall’Oglio, le technicien de la montée arrivé, en décembre 2023 sur la base d’un contrat courant jusqu’en juin 2024 mais assorti d’une année supplémentaire en cas de montée. Si elle n’est toujours pas validée par un communiqué médiatique, elle l’est dans la pratique: « Il a une bonne connexion avec le vestiaire, il n’y a pas de raison de revenir là-dessus », répète à chacun de ses interlocuteurs, l’ex-patron d’Arsenal et du Milan AC, aujourd’hui à la tête de l’ASSE.

Dans l’intimité des bureaux à l’Etrat, tous les techniciens d’hier et d’aujourd’hui se sont ainsi retrouvés pendant de longues heures, sans interruption depuis ce 3 juin pour lancer des pistes pour le mercato. A l’abri des regards, le silence est d’or. Seules informations (officielles) en sortent pour annoncer le départ de deux joueurs. Dylan Chambost (6 buts et 6 passes décisives), en fin de contrat en juin 2024 mais qui avait obtenu une année supplémentaire de contrat avec la montée, rapporte ainsi un petit transfert à son club de formation et de cœur en franchissant l’Atlantique et en signant en MLS à Colombus Crew dans l’Ohio pour 3 ans. Quant à Maxence Rivera, autre enfant du club qui n’a toutefois pas eu sa chance, traverse lui la France pour rallier Dunkerque.

Restent les cas d’Aymen Moueffek, tout jeune marié, et de Michael Nadé, en fin de contrat dans un peu moins de trois semaines sans oublier Gauthier Larsonneur, meilleur gardien de Ligue 2, Anthony Briancon, Florian Tardieu, Benjamin Bouchouari et Lamine Fomba. Non seulement, ils savourent tous depuis le 2 juin et la montée obtenue en barrage face à Metz le bonheur d’être de ceux qui ont fait revenir l’ASSE dans l’élite mais aussi, l’automatique année optionnelle qu’elle entraîne. Auront-ils encore plus de « rab » dans les tractations menées d’ici la reprise ?

Un effectif qui semble quand même juste pour affronter son retour en Ligue 1 avec sérénité quand on sait que lors des 38 journées, il a trébuché à 11 reprises, quand Le Havre l’an passé avait fait le même chemin en ne perdant qu’à trois reprises. Survoler la Ligue 2 en 22-23 n’a pas empêché les Normands de souffrir pour rester à l’étage du dessus …

Seule certitude: les hommes, anciens et nouveaux, se retrouveront pour la reprise de l’entraînement le 8 juillet prochain à l’Etrat avant d’effectuer un stage du 13 au 20 juillet. Cinq matches sont déjà programmés, avec un seul adversaire – Clermont – pour le premier d’entre eux.

Article original publié sur RMC Sport