S'afficher décontracté, former les cadres... À quoi servent les universités d'été?

S'afficher décontracté, former les cadres... À quoi servent les universités d'été?

C'est à elles qu'on doit le mémorable déhanché de Nadine Morano à Royan en 2012, ou la chemise trempée de Manuel Valls à La Rochelle en 2015. Les universités d'été font leur traditionnel retour en cette fin du mois d'août. Que ce soit dans la Drôme pour LFI, ou à Grenoble pour EELV, de nombreuses formations politiques ont décidé de se plier une nouvelle fois à l'exercice.

Au programme? Rencontres, débats, et bien sûr soirées festives, parfois animées par des stars de la chanson française.

"Les universités d'été sont un temps fort. C'est un moment de fédération du corps militant, des cadres", explique Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique à BFMTV.

Les giscardiens à l'origine du premier rassemblement

Comme le souligne le journal La Croix, ces rassemblements ont émergé en France à la suite de Mai 68, pour renouveler la manière de faire de la politique, au travers de débats, de colloques... En 1975, les jeunes giscardiens organisent la première "université d'été". Pendant trois semaines, 400 jeunes soutiens de l'ancien président de la République sont formés à Montpellier, dans l'Hérault.

La pratique va progressivement se généraliser, pour devenir une institution. De 1993 à 2015 et en 2019, ce sont tous les ténors du Parti Socialiste qui se retrouvaient à la Rochelle (Charente-Maritime) pour échanger, mais aussi marquer leurs différences. Du côté des Républicains, on a longtemps préféré des stations balnéaires ancrées à droite, comme La Baule (Loire-Atlantique) ou Royan (Charente-Maritime).

L'objectif de ces grandes messes, abondamment couvertes par les médias? Avant tout former les cadres, et donner aux élus les bons éléments idéologiques à relayer sur le terrain. Du point de vue de l'opinion, ces universités servaient également à marquer officiellement la rentrée politique.

Mais bouleversement de l'échiquier politique oblige, les partis historiques de la Ve République ont depuis partiellement renoncé à ces grands rassemblements. Du côté du PS, on a abandonné La Rochelle. De vendredi à dimanche, c'est à Blois (Loir-et-Cher) que vont se retrouver en petit comité les militants du dernier parti de gauche à avoir accédé au pouvoir.

Les Républicains, qui doivent élire leur nouveau président, ont abandonné cette année leur rendez-vous de La Baule. Seuls les jeunes républicains vont se retrouver début septembre à Angers (Maine-et-Loire).

"La période des grandes messes politiques est révolue. La mise en réseau des militants a été bouleversée, par les réseaux sociaux notamment. La formation des cadres peut également se faire à distance. Le format a donc un peu vieilli", déclare Matthieu Croissandeau.

S'afficher "cool"

Bien que vieillissant, le modèle de l'université d'été n'a pas dit son dernier mot, d'abord de par l'image qu'il permet de renvoyer. Qui dit "été" dit ambiance forcément plus décontractée.

"Il y a une question d'image. Il faut arriver bronzé, cool, habillé en tenue civile... Le style est profondément étudié en amont", continue notre éditorialiste politique.

Les universités d'été de LFI qui se déroulent à Valence à partir de ce jeudi sont marquées par de nombreux concerts. Cali ou Danakil vont se succéder sur scène. Des stars de la chanson française qui partagent l'affiche avec des membres du gouvernement, puisque le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a décidé d'inviter Marlène Schiappa ou Clément Beaune pour des débats d'idées.

"Inviter des contradicteurs vise à montrer son esprit d'ouverture", déclare Matthieu Croissandeau.

Organiser sa propre université d'été, c'est également l'occasion d'afficher sa singularité au sein d'un mouvement. Aucun parti membre de la Nupes n'a décidé de rejoindre les insoumis à Valence cette année. En plus des socialistes qui se retrouvent à Blois, les écologistes se sont donnés rendez-vous à Grenoble à partir de jeudi, et les communistes à Strasbourg, avant leur grande réunion de rentrée: la Fête de l'Humanité, où sera toutefois présent Jean-Luc Mélenchon, après une décennie à l'avoir boudé.

Renaissance grand absent

Le côté formation des cadres et militants n'a pas été mis de côté. Les différents programmes des universités d'été de cette année foisonnent d'ateliers et de débats. Du côté des écologistes, on évoquera "l'éducation à la paix à l'heure du désarmement nucléaire". Les militants insoumis se verront eux proposer samedi une formation intitulée: "comment gagner une élection".

Plus à droite, on a mis les voiles sur le sud. Les cadres du Rassemblement national vont se réunir au Cap d'Agde à la mi-septembre pour des "journées interparlementaires", et les partisans d'Éric Zemmour pourront assister à une prise de parole de l'ancien journaliste le 11 septembre à Gréoux-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence).

Reste un grand absent: le parti présidentiel. Rien n'est prévu chez Rennaissance, si ce n'est un très discret séminaire à Metz (Moselle). "Ce n'est pas un parti politique, c'est un mouvement où tout dépend de la bonne parole d'Emmanuel Macron. Ils n'ont pas réussi à créer de base militante", conclut Matthieu Croissandeau.

Article original publié sur BFMTV.com