La sœur de Cécile Kohler, otage en Iran depuis deux ans, alerte : « Elle n’en peut plus » - INTERVIEW

Depuis deux ans, Noémie Kohler se bat pour la libération de sa sœur, arrêtée le 7 mai 2022 avec son compagnon Jacques Paris.

IRAN - Depuis deux ans, sa vie est « entre parenthèses, en suspens ». Noémie Kohler, graphiste de 34 ans, a quitté le monde de l’entreprise pour se mettre à son compte et « avoir un emploi du temps plus flexible ». Son temps libre, elle le passe désormais à alerter sur la situation de sa sœur, Cécile Kohler, détenue par l’Iran depuis le 7 mai 2022, et à demander sa libération immédiate.

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Cécile Kohler, enseignante en lettres modernes originaire de Soultz (Haut-Rhin), a été arrêtée avec son compagnon Jacques Paris, professeur à la retraite, à la fin d’un séjour touristique de 10 jours. Soupçonnés par le régime iranien d’être des espions, ils sont deux des quatre détenus considérés par la France comme des « otages d’État » en Iran.

Noémie Kohler, qui porte la voix du comité de soutien pour la libération de sa sœur, notamment à travers une pétition, a répondu au HuffPost à l’occasion de cette date symbolique. Elle fait part de ses inquiétudes face aux récentes tensions entre l’Iran et Israël, et raconte les conditions strictes dans lesquelles vit Cécile Kohler depuis deux ans.

Le HuffPost. Votre sœur a été arrêtée il y a deux ans, jour pour jour, avec son compagnon Jacques Paris. Comment vont-ils ?

Noémie Kohler. En deux ans, la situation de ma sœur a très peu évolué et ses conditions de détention sont toujours très compliquées. Elle est dans une section de haute sécurité de la prison d’Evin à Téhéran, la section 209, qu’on appelle « la prison dans la prison » parce qu’elle est complètement coupée du monde. C’est là que vont la plupart du temps les prisonniers politiques. Cécile partage une cellule de 9 m² avec deux autres codétenues, qui changent très régulièrement.

On a très peu de détails sur sa détention ou son état de santé. On se fie aux informations qu’elle nous distille, qu’on lit entre les lignes, et on recoupe avec des témoignages d’anciens prisonniers. On nous a dit que les ressortissants étrangers n’étaient pas maltraités physiquement. Par contre, on sent qu’une très forte pression psychologique est exercée sur Cécile. Elle a été à l’isolement complet pendant plusieurs mois, ce qui est une forme de torture. Le prix Nobel de la paix, Narges Mohammadi, a d’ailleurs écrit un livre là-dessus qu’elle a appelé Torture blanche.

Jacques est détenu dans des conditions similaires. Cécile et lui ne se sont pas vus pendant longtemps mais ils ont eu deux ou trois contacts dernièrement, toujours sous haute surveillance.

Comment se passent vos échanges avec Cécile ?

On a peu de contacts avec elle. On reçoit des appels en visio sur WhatsApp en moyenne une fois par mois, mais c’est toujours aléatoire. Alors on est aux aguets pour être sûrs de ne jamais rater un appel parce que ce serait terrible, pour nous comme pour elle. Les appels durent cinq minutes, jamais plus de dix. On sent qu’elle est surveillée, que sa parole est contrainte. La connexion est très mauvaise, il y a des coupures, des décalages. La plupart du temps, cela nous empêche de communiquer correctement. On le ressent comme une forme de pression psychologique sur elle : elle peut nous appeler mais ne nous entend pas.

La dernière fois qu’on l’a eue c’était le 13 avril, elle a appelé ma mère. D’habitude, elle met un point d’honneur à nous montrer qu’elle tient le coup, qu’elle est forte, mais là on a senti de sérieux signes d’épuisement. Elle continue à se battre, mais elle n’en peut plus. Elle est fatiguée, épuisée. La situation est complètement bloquée donc c’est désespérant pour elle.

Où en est la procédure lancée contre eux en Iran ?

Il y a eu plusieurs déclarations du porte-parole de l’autorité judiciaire iranienne dans la presse qui allaient dans le sens de la fin d’une enquête et d’un éventuel procès à venir. La dernière date du 12 septembre 2023. Mais depuis le départ, nous n’avons eu aucune information officielle de la part des autorités iraniennes sur ce qui leur est reproché exactement ou sur un éventuel dossier. Ma sœur et Jacques n’ont toujours pas accès à des avocats indépendants.

Côté français, on a des contacts assez réguliers avec le Quai d’Orsay, qui nous dit être mobilisé pour les faire revenir. Mais on ne nous dévoile rien des coulisses.

L’actualité internationale est marquée par un regain de tension entre l’Iran et Israël. Celles-ci ont-elles accentué vos craintes ?

À partir du moment où le ministère des Affaires étrangères a appelé tous ses ressortissants, y compris les familles des agents diplomatiques, à quitter la région, ça nous a profondément angoissés. On est pendus aux actualités et on suit ce qui se passe avec beaucoup d’attention. Nos proches sont bloqués au milieu de ces tensions qui s’exacerbent, avec toujours aucune perspective de libération. C’est terriblement angoissant parce que la situation est de plus en plus instable et nos proches sont de plus en plus en danger.

Espoir, lassitude… Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

C’est un mélange de tout un tas de sentiments. L’espoir, on n’a que ça, on s’y accroche. Et en même temps, on n’en voit pas le bout. On n’a aucune lumière au bout du tunnel. À la longue, ça use. On se dit tout le temps qu’on apprend à vivre avec une situation comme celle-là, mais en fait non. Tous les jours c’est aussi dur, voire chaque jour un peu plus dur. On essaie de tenir bon parce qu’on sait qu’elle en a besoin et qu’il faudra être forts, surtout quand elle reviendra.

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