Le Sénat est passé d’une institution mal-aimée à un contre-pouvoir incontournable

POLITIQUE - Beaucoup de reproches ont été faits au Sénat. On l’a notamment dit inutile parce que seule l’Assemblée nationale a le dernier mot pour voter les lois, ou encore pas assez représentatif des Français, car les sénateurs ne sont pas élus au suffrage direct, mais par un collège de grands électeurs.

En 1969, Charles de Gaulle tente bien de rénover le Sénat en proposant aux Français via référendum d’en faire un organe consultatif, fusionné avec le Conseil économique et social, en vain. En 1998, le Premier ministre Lionel Jospin le qualifie d’« anomalie démocratique » et 20 ans plus tard, la question de sa disparition pure et simple revient dans le débat : le mouvement des gilets jaunes en fait une de ses revendications en 2018.

Pourtant, et notamment sous la présidence d’Emmanuel Macron, il s’impose désormais comme une institution incontournable, notamment parce qu’il a joué un rôle déterminant, à travers ses commissions d’enquête, dans des affaires retentissantes.

L’affaire Benalla

Souvenez-vous par exemple de l’affaire Benalla. En 2018, le Sénat comme l’Assemblée nationale se saisissent de l’affaire de la Contrescarpe. Alexandre Benalla, membre du cabinet d’Emmanuel Macron, est accusé de s’être fait passer pour un policier et d’avoir violenté des personnes, en marge de la manifestation du 1er mai 2018.

Une commission d’enquête parlementaire est ouverte par les deux chambres, mais celle de l’Assemblée nationale, où le parti présidentiel dispose alors de la majorité absolue, est rapidement avortée sans rendre de rapport officiel.

Au Sénat, où Les Républicains sont majoritaires, la commission, elle, arrive bien au bout de ses 44 heures d’audition. Elle saisit le procureur et met aussi en cause trois membres de l’exécutif. Le gouvernement crie au détournement des institutions, mais le rôle du sénat est renforcé.

De McKinsey au Fonds Marianne

Dans les mois et années qui suivent, d’autres commissions d’enquête sénatoriales sont tout aussi déterminantes, par exemple avec l’affaire McKinsey. En mars 2022, la commission d’enquête sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dénonce un « phénomène tentaculaire ». Six mois plus tard, le Sénat adopte, à l’unanimité, une proposition de loi encadrant ces prestations. Le texte doit maintenant être examiné à l’Assemblée.

Enfin, en juillet 2023, les sénateurs rendent un rapport au vitriol à l’encontre d’une macroniste de la première heure, Marlène Schiappa. La ministre déléguée à la Citoyenneté est épinglée sur la gestion controversée du fonds Marianne, un dispositif de financement des contre-discours à l’islam radical créé après l’assassinat de Samuel Paty. Elle finit par être emportée dans le remaniement gouvernemental quelques jours plus tard.

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