Séisme en Turquie et en Syrie : l’alignement des planètes annonçait-il la catastrophe ?

Rescue workers and volunteers pull out a survivor from the rubble in Diyarbakir on February 6, 2023, after a 7.8-magnitude earthquake struck the country's south-east. - At least 284 people died in Turkey and more than 2,300 people were injured in one of Turkey's biggest quakes in at least a century, as search and rescue work continue in several major cities. (Photo by ILYAS AKENGIN / AFP)

FAKE NEWS - C’est l’histoire d’un tweet devenu viral après le tremblement de terre meurtrier qui a secoué le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, ce lundi 6 février. « Tôt ou tard, il y aura un séisme d’une magnitude d’environ 7,5 dans cette région », avait écrit Frank Hoogerbeets, membre d’un « institut de recherche » néerlandais baptisé « Solar System Geometry Survey » (SSGEOS), le 3 février dernier.

Sous cette prédiction, une carte qui place l’épicentre de la catastrophe à venir à quelques centaines de kilomètres de celui du séisme de magnitude 7,8 qui a fait plus de 2 500 morts ce lundi.

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Visionnaire ? Plusieurs indices appellent à la plus grande prudence. Le site du SSGEOS ne mentionne tout d’abord aucun rattachement de la structure à quelque université ou organisme de recherche que ce soit. La composition de son équipe n’est pas publique, pas plus que le parcours scientifique du dénommé Frank Hoogerbeets. Et la présentation de l’institut de recherche laisse songeur, affirmant que celui-ci étudie « la géométrie entre les corps célestes liés à l’activité sismique ». En d’autres termes, le lien entre la position des planètes et les tremblements de terre.

« Les séismes majeurs sont toujours précédés d’une géométrie particulière, comme c’était le cas les 4 et 5 février », a commenté Frank Hoogerbeets ce lundi matin. Problème : si un lien ténu entre la position de la Lune – donc les marées – et les séismes a pu être identifié par les scientifiques, il ne permet pas de prédire pour autant la survenue d’un séisme, ni de localiser précisément le séisme sur Terre.

Un lien qui ne permet pas de prédire

« Même si elle est légèrement renforcée par les marées, la probabilité qu’un séisme se produise un jour donné dans une région sujette aux tremblements de terre reste très faible », soulignait par exemple la revue américaine Nature lors de la publication des travaux de chercheurs japonais sur le sujet en 2019.

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L’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS) ne dit pas autre chose sur la page de son site Internet consacrée aux liens entre le séisme et la position des planètes : « La probabilité de la survenue d’un séisme est, de manière générale, très faible dans un lieu et une année donnée (fractions de pourcentage). Si bien que l’augmentation de cette minuscule probabilité […] pendant les marées hautes se traduit toujours par une très petite probabilité. » Impossible donc d’imaginer des mesures préventives en cas de forte marée tant la probabilité d’un tremblement de terre reste faible, même dans les territoires particulièrement exposés aux risques.

« Nous ne savons pas prédire »

Plus largement, comme le rappelle l’Institut d’études géologiques des États-Unis, il n’est pas possible de prédire un séisme. « Ni l’USGS, ni aucun autre scientifique n’a jamais prédit un tremblement de terre majeur. Nous ne savons pas comment les prédire, et nous ne nous attendons pas à savoir le faire dans un avenir proche », souligne l’organisme gouvernemental. « Les scientifiques de l’USGS ne peuvent calculer que la probabilité qu’un tremblement de terre important se produise […] dans une zone spécifique sur un certain nombre d’années. »

Un rappel qui va à l’encontre de la « prévision » de Frank Hoogerbeets, qui évoquait elle une fenêtre de quelques jours dans une région donnée, et qui ne repose sur aucune base scientifique.

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Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les « prédictions » du Néerlandais sont pointées du doigt. Elles avaient été épinglées en 2019 par Libération dans un article de fact-checking consacrée à sa mise en garde face à un séisme d’ampleur pour la période du 17 au 21 février cette année-là. Le journal relevait notamment que ses alertes étaient particulièrement nombreuses : « Frank Hoogerbeets a déjà fait des annonces similaires pour les 21 au 24 janvier 2019, les 2-4 janvier 2019, les 20-25 décembre 2018, les 7-13 décembre 2018 ou encore les 1er, 2, 23, 24, 25, 27, 28 et 29 (!) novembre 2018. Nous ne sommes pas remontés plus loin mais en faisant autant de prédictions floues, il est assuré de tomber juste de temps en temps. »

Mise en garde sur Twitter

Les utilisateurs de Twitter ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. En réponse au tweet de Frank Hoogerbeets publié ce lundi, une « note » de contexte a été ajoutée à leur demande sous la publication. « Il n’y a aucune base scientifique pour les prédictions de tremblement de terre […]. Les allégations de corrélation avec l’alignement planétaire ont été réfutées », indique la mise en garde, comme vous pouvez le voir dans capture d’écran ci-dessous :

Frank Hoogerbeets, qui se présente comme un chercheur dans un institut spécialisé dans la sismologie, aurait prédit la catastrophe en étudiant le lien entre les séismes et la position des planètes. C’est scientifiquement impossible.
Frank Hoogerbeets/Twitter Frank Hoogerbeets, qui se présente comme un chercheur dans un institut spécialisé dans la sismologie, aurait prédit la catastrophe en étudiant le lien entre les séismes et la position des planètes. C’est scientifiquement impossible.

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