Séisme politique en Tunisie, des candidats "anti-système" en tête de la présidentielle

Les deux premières places de l'élection présidentielle en Tunisie ont été revendiquées par des candidats "anti-système". Un universitaire sans parti politique arriverait en tête selon deux sondages d'instituts privés tunisiens. Le professeur Kaïs Saïed, 61 ans, surnommé "Robocop" en raison de sa diction rigide et de son visage impassible, s'est dit conscient d'avoir "la grande responsabilité de changer la frustration en espoir " : "A l'heure actuelle, le peuple tunisien atteint ses objectifs et poursuit sa révolution dans le cadre de la légitimité existante. C'est une leçon que le peuple tunisien donne au monde : qu'il respecte la légitimité..." Kaïs Saïed s'est encore récemment déclaré favorable à la peine de mort et s'est dit contre l'expression de l'homosexualité dans l'espace public. En seconde position, un homme d'affaire emprisonné depuis le 23 août, sous le coup d'une enquête pour blanchiment et fraude fiscale, Nabil Karoui. C'est la seconde élection présidentielle depuis la révolution du printemps arabe en 2011 et les désillusions sont nombreuses, ce qui expliquerait le succès de candidats outsiders, comme Nabil Karoui. Son porte-parole Ha Tem Mliki ne cachait pas sa joie dimanche soir : "Nous sommes heureux parce que Nabil Karoui est au second tour, c'est un gagnant de ces élections selon tous les résultats auxquels nous avons accès." La femme de Nabil Karoui demande à nouveau sa libération. La justice a refusé par trois fois ses demandes. Si sa qualification au 2e tour est confirmé ce mardi par les résultats officiels, il s'agira d'une situation sans précédent dans le monde pour une présidentielle. Il s'agira aussi d'une claque pour la coalition au pouvoir. Le candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahda qui fait partie de cette coalition dirigeante arriverait en troisième position toujours selon les instituts privés. "J'ai voté pour moins de corruption, pour moins de pauvreté, pour remettre la classe moyenne debout, parce que maintenant il y a des très riches et des très pauvres..." "Je ne vais pas vous mentir, je ne les aime pas, je les déteste. je déteste ceux qui sont au pouvoir, ils n'ont rien fait, rien. Même pour la santé, il n'y a pas de médicaments." La Tunisie est la seule démocratie à avoir émerger après le printemps arabe, mais le faible taux de participation, 45 %, et la désaffection des jeunes pour cette présidentielle sont de mauvais signaux affirment les autorités. La situation économique du pays et le chômage auraient-ils eu raison des inspirations démocratiques ? Certains le pensent.