Sécurité sociale de l'alimentation : une solution pour mettre fin au système indigne de l'aide alimentaire et réorienter notre modèle agricole

Depuis 2019, l'idée de mettre en place en France une sécurité sociale de l'alimentation a émergé de manière structurée. Ce projet vise, d'une part, à mettre en œuvre le droit à l’alimentation — et donc à mettre fin au système jugé indigne de l'aide alimentaire — et, d'autre part, à favoriser une transition des filières alimentaires vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement et de leurs acteurs. Pour comprendre ce concept, nous avons interviewé Tanguy Martin, coauteur avec Sarah Cohen d'un ouvrage qui en expose les fondements.

Sciences et Avenir : Dans votre livre "De la démocratie dans nos assiettes", vous partez d’un premier constat, l'existence d'une insécurité alimentaire structurelle en France. Qu'entendez-vous par là ?

Tanguy Martin : Le concept d'insécurité alimentaire, bien que développé initialement pour les pays du Sud, a été adopté et adapté dans les pays industrialisés. Dans les pays dits à faibles revenus, l'insécurité alimentaire mesure principalement la capacité de ces pays à nourrir leur population grâce à leur production agricole. En revanche, dans les pays considérés comme plus riches, l'accent est mis sur la perception des individus concernant leur accès à une nourriture suffisante et de qualité.

Néanmoins, la définition de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), qui s’applique à toutes les zones géographiques du globe, indique bien que l’insécurité alimentaire concerne aussi bien les dimensions quantitatives que qualitatives de l’alimentation.

"La proportion de Français ne mangeant pas à leur faim est passée de 12 % à 16 % entre juillet et novembre 2022"

En France, cette notion a été intégrée en 2006-2007 aux études INCA, qui examinent régulièrement les comportements alimentaires des Français. Ainsi, l'enquête INCA 3, publiée en 2017, a révélé que plus de 7 millions de personnes étaient en situation d'insécurité alimentaire, avant même les impacts de la crise sanitaire et de l'inflation récente. Ces résultats ont depuis été confirmés par d’autres travaux comme le Baromètre Ipsos/Secours populaire français de 2023 ou une étude récente du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), qui a notamment documenté l’aggravation de cette situation.

Selon cette dernière publication, entre juillet et novembre 2022, la proportion de Français ne mangeant pas à leur faim est passée de 12 % à 16 %. De même, en 2016, la moitié des Français déclaraient pouvoir manger tous les aliments qu'ils souhaitaient, mais c[...]

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