"Sécurité globale" : comment l'exécutif peut-il sortir de la polémique liée à l'article 24?

La colère continue d'enfler autour de l'article 24 de la loi "Sécurité globale". Le gouvernement essaye de sortir intact de cette nouvelle crise politique.

Comment déminer les querelles sur la proposition de loi "sécurité globale" et son très controversé article 24? Les discussions autour de cette disposition sont tendues depuis sa présentation. Et la succession d'interventions policières violentes ces derniers jours, avec l'évacuation d'un camp de migrants place de la République et l'affaire Michel Zecler, ont achevé d'électriser le débat.

L'exécutif tente désormais de sortir de l'impasse. Mais comment ?

· Réécrire le texte ?

Emmanuel Macron a reçu jeudi son ministre de l'Intérieur, cible numéro 1 des opposants et partisan convaincu de l'article 24 qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante d'images de policiers et gendarmes.

De cette entrevue a germé une idée, dont la paternité revient, officiellement, à Gérald Darmanin: faire "réécrire" l'article par une "commission" indépendante. Validée, puis annoncée par Matignon, la décision d'apaisement a, au contraire, mis le feu aux poudres.

Au point que, vendredi, deux des plus hauts personnages de l'État, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, et celui du Sénat, Gérard Larcher, ont exprimé leur "opposition" à cette commission. Une irritation relayée dans toute la majorité, d'abord par le chef des députés LaREM, Christophe Castaner.

Résultat, Jean Castex a dû promettre, dans un courrier adressé aux protestataires, que la commission ne serait finalement pas chargée de réécrire le texte, qui "ne saurait relever que du Parlement", mais de donner des orientations.

· Supprimer purement et simplement l'article ?

Pour une partie de la majorité, la solution la plus simple serait de retirer l'article 24. C'est notamment ce que réclame Hugues Renson, ancien conseiller de Jacques Chirac et actuel vice-président de l'Assemblée Nationale.

"Quand une mesure suscite autant de résistance, il est parfois préférable d'y renoncer plutôt que de s'obstiner. L'article 24 ne doit pas devenir notre déchéance de nationalité!", a-t-il déclaré au Figaro

Cette option n'est cependant pas encore envisagée place Beauvau car trois problématiques en découlent. D'abord, supprimer l'article 24 de la loi "sécurité globale" donnerait le sentiment d'abandonner les policiers qui font l'objet de violences. Ce samedi, au cours des manifestations contre cette loi, 98 membres des forces de l'ordre ont été blessés, selon les derniers décomptes du ministère de l'Intérieur.

Ensuite, abandonner l'article 24 reviendrait à répondre aux demandes de la gauche qui, par ailleurs, ne s'en satisferait pas puisque ses partisans réclament désormais à l'unisson la suppression de l'ensemble de la loi.

"Aujourd'hui, s'il y a de l'honneur, il doit se trouver dans le retrait du texte et pas dans son maintien", quand notamment "le risque c'est de créer de l'incompréhension et des violences", a affirmé l'ancien président socialiste François Hollande au journal La Montagne, en rappelant que lui-même avait dû retirer un texte sur la déchéance de la nationalité en 2016.

Enfin, cette solution froisserait et désavouerait la majorité parlementaire qui a donné un large feu vert au texte de loi mardi 24 novembre, avant son examen au Sénat. Dans un hémicycle quasi plein, les députés ont adopté en première lecture le texte présenté par LaREM et son allié Agir par 388 voix pour, 104 contre et 66 abstentions. Chez les marcheurs, le niveau de contestation était important mais loin des records: 30 LaREM se sont abstenus et 10 ont voté contre.

· Laisser le Parlement décider ?

L'autre solution qui s'offre à l'exécutif pour s'extraire de cette situation brûlante est de laisser faire le jeu parlementaire. Votée en première lecture à l'Assemblée nationale, la loi doit désormais passer au Sénat au premier trimestre 2021. Selon le schéma de la navette parlementaire, elle reviendra ensuite à l'Assemblée, puis le Conseil constitutionnel tranchera. Mais cette option laisse le gouvernement exposé et donne l'impression qu'il subit le débat législatif.

· Noyer la disposition dans un autre texte de loi ?

Le futur projet de loi contre les séparatismes - à l'initiative du gouvernement - pourrait reprendre l'idée d'une protection face à la diffusion malveillante d'images, étendue à tous les fonctionnaires, permettant ainsi d'enterrer à peu de frais la disposition de "sécurité globale". Quelle qu'en soit l'issue, l'épisode a, dans tous les cas, encore amplifié la crise politique.

Article original publié sur BFMTV.com

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