Le roman dont Gabriel García Márquez a voulu se débarrasser

Gabriel García Márquez à Carthagène (Colombie), en 1991.  - Credit:Ulf Andersen/Gamma Photo
Gabriel García Márquez à Carthagène (Colombie), en 1991. - Credit:Ulf Andersen/Gamma Photo

«Ce livre ne marche pas. Il n'y a qu'à s'en débarrasser. » Ainsi Gabriel García Márquez jugeait-il l'un des derniers textes qu'il avait eu la force de composer alors que sa mémoire, qu'il considérait comme sa « matière première » et son « instrument de travail », lui faisait peu à peu défaut.

Condamné à l'oubli, Nous nous verrons en août aurait pu se résumer au public de rares privilégiés présents à Madrid en mars 1999, quand, invité à un forum littéraire, l'écrivain avait choisi, à la place d'un discours, de lire une première version du premier chapitre du texte aujourd'hui révélé.

Ce texte devait faire partie d'un ensemble en incluant trois autres, dont le point commun était d'être des « histoires d'amour de gens âgés ». L'amour, thème central de l'œuvre de Gabo – ainsi qu'il était affectueusement surnommé –, qu'il soit vécu au temps du choléra ou dans une petite ville légendaire nommée Macondo.

Heureuse dans son mariage avec Domenico, « un homme de cinquante-quatre ans, bien éduqué, beau et élégant », Ana Magdalena Bach s'abandonne un soir d'août dans les bras d'un inconnu. Déconcertée par cet écart, elle l'est encore davantage par le billet de 20 dollars glissé « entre deux pages d'épouvante » de son livre de chevet par son amant d'une nuit. « Plus jamais elle ne devait être la même. Elle l'avait pressenti sur le bac du retour, au milieu des hordes de touristes parmi lesquels elle s'était de tout temps sentie étrangère. »

Le couple face à la routine domest [...] Lire la suite