Roland-Garros: "J'ai apprécié chaque moment ici", Nadal se confie avant sa possible dernière Porte d'Auteuil

MARION BARTOLI. J’aimerais prendre le contrepied de toutes les interviews que tu as pu faire avant ce Roland-Garros. Je voudrais te célébrer toi, tout ce que tu as accompli, pas seulement parce que j’ai énormément d’admiration et de respect pour ce que tu as fait. J’ai joué aussi, mais j’ai jamais réussi à disputer ne serait-ce qu’une finale ici. Tu en as gagné 14. Donc je veux que ce moment soit joyeux, pour toi et j’espère qu’à travers mes questions tu sentiras cette joie et le respect que j’ai pour toi et pour tout ce que tu as accompli. Je voudrais savoir, quel est ton état d’esprit, maintenant que tu sais contre qui tu vas jouer ? Tu étais ici avant même que le tirage au sort ne soit fait… Comment tu te sens ? D’un point de vue de ta concentration, de tes émotions, tout ce que tu ressens chaque jour avant ce premier match que tu vas jouer ?

RAFAEL NADAL. Bon, j'essaie juste de reconstruire mon jeu pas à pas. Vous savez, je pense que c'est la première semaine où je suis capable, d'une certaine manière, de m'entraîner en pensant au tennis. Vous savez, je me sens avec moins de limites physiques que les semaines précédentes. Donc cela me permet de commencer à croire que les choses peuvent aller mieux maintenant. C'est très important pour moi, vous savez. Mais je prends les choses jour après jour, en restant humble avec la bonne discipline de travail et avec la bonne attitude quotidienne pour progresser petit à petit maintenant. Je dois jouer très bien dès le début parce que j'ai eu un tirage super difficile c'est vrai et ça va être très, très difficile, mais je suis heureux. Je ne sais pas ce qui peut se passer lundi, ça va être super difficile, mais je suis heureux de la semaine de toute façon. J'ai apprécié chaque moment ici.

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Ce qui est évidemment le plus important pour toi, parce que tu ne veux pas sentir que tu as atteint tes limites quand tu arrives sur le court. Comment as-tu vécu l’évolution de ce que tu ressentais ? C’était vraiment jour après jour, tu sentais que tu allais de mieux en mieux ? Ou c’était un moment précis où tu t’es dit là mon corps va mieux, il répond bien et ça va mieux et tu peux de nouveau lui faire confiance quand tu débarques sur le court ?

Je pense qu'il y a eu beaucoup de problèmes pour avoir confiance en mon corps, honnêtement. Comme vous le savez, c'est quelque chose que vous devez construire jour après jour. Vous savez, vous devez croire que vous pouvez faire ce mouvement, que vous pouvez faire l'autre mouvement. Et je n'ai pas ressenti cela depuis si longtemps. Je commence à ressentir cela un peu à nouveau. Mais je ne sais pas si ça va être suffisant pendant une semaine maintenant. Mais je suis super heureux de tout ce qui s'est passé ici la semaine dernière. Tout le soutien que j'ai reçu, c'est juste incroyable. Je ne peux pas assez remercier toutes les personnes ici à Paris pour m'avoir fait ressentir ces émotions maintenant. Donc j'essaie juste de profiter et bien sûr de rester concentré et de maintenir la bonne concentration, de rester chez moi et d'essayer d'être prêt à jouer lundi à un bon niveau.

Quand je suis arrivée à Roland-Garros aujourd’hui, j’ai entendu un énorme bruit au Suzanne-Lenglen, et en fait c’était toi à l’entraînement… Il y a une image qui m’a marquée, c’est quand tu étais avec Roger (Federer) pour son dernier match, et vous pleuriez tous les deux comme des bébés et je pense que tout le monde pleurait devant sa télé, au stade… Beaucoup de personnes, de fans, t’aiment pour ce que tu es, pour le joueur que tu es, te respectent comme moi je te respecte… A qui penses-tu que tu vas manquer le plus, le jour où tu diras que c’était ton dernier match ?

Je vais vous dire, c'est comme quand Roger a pris sa retraite. Il a été présent pendant 20 ans. Il fait partie de votre vie d'une certaine manière parce que vous le regardez jouer à la télévision. Je l'avais en face de moi comme rival. J'ai eu la chance de partager de grands moments avec lui, avec nos fondations, en créant de beaux moments. Je pense qu’on a travaillé ensemble pour améliorer notre sport. Donc, quand arrive le moment où quelqu'un que vous avez l'habitude de voir quotidiennement part, vous savez, c'est comme si une partie de votre vie s'en va. Donc, d'une certaine manière, c’est difficile à accepter parce que tous les changements prennent du temps à accepter. Et cette nuit-là était forte en émotion. Maintenant, je me sens très reconnaissant, chanceux d'avoir pu profiter de ce moment et de le partager avec lui.

Est-ce que tu as, toi, Rafa Nadal, un rêve en tennis que tu voudrais accomplir ?

Mon rêve se réalise chaque jour. Pour moi, c'est un cadeau d'être ici. Vous savez, j'ai affronté beaucoup de problèmes physiques qui me disent tout le temps de ne plus le faire, qui vous disent stop. Mais je trouve toujours d'une certaine manière la motivation, la passion et l'amour pour continuer. Et pour moi, chaque jour ici est un cadeau et je ne prends pas cela comme ça quand je suis sur le court parce que si je le faisais, je pense que je ne serais pas assez compétitif. Quand je suis sur le court, j'essaie juste de continuer à travailler de la manière dont j'ai toujours travaillé, mais pour moi c'est un cadeau et toutes les choses qui se passent ont beaucoup de valeur.

J’ai une dernière question: on est à quelques mètres du court Philippe-Chatrier, tu as gagné 14 fois ici, tu as joué 150 matchs... Si tu devais garder dans ton cœur un moment ? Un point, une image, un sentiment ? Lequel ce serait ?

C'est impossible pour moi, Marion, d'en choisir un.

Le premier ?

Je ne sais pas. Le premier, je ne m'en souviens même pas. Le premier était dans une autre vie. Du moins, je m'en souviens mais je ne me souviens pas des sentiments. Mais je veux dire que les sentiments lors du 10e titre ont été incroyables. Le dernier a été super émouvant pour moi. Je ne sais pas. C’est énormément de moments inoubliables et c'est impossible pour moi d'en choisir un.

Article original publié sur RMC Sport