Roland-Garros: la France, ce sourire retrouvé, sa prochaine adversaire... l'éclaircie française Gracheva se confie

Roland-Garros: la France, ce sourire retrouvé, sa prochaine adversaire... l'éclaircie française Gracheva se confie

Bonjour Varvara Gracheva, peut-on vous appeler Varia?

Bien sûr !

Samedi, vous avez battu Irina-Camelia Begu sur ce fameux court Suzanne Lenglen. Comment vous sentez-vous après cette performance?

C’était une grande victoire, je suis tellement contente. J’essaie de me préparer pour le prochain match contre Mirra Andreeva. C’est une bonne joueuse. C’est difficile de jouer contre elle parce qu’elle est vraiment stable. Je vais essayer de visualiser comment je vais jouer, d’imaginer la tactique avec mon coach. Je suis très motivée.

Revenons sur cette émotion sur le court, avec ces 9.000 spectateurs qui étaient là et qui, à la fin du match, ont lancé la Marseillaise. On vous a vu chanter cette Marseillaise, c’est devenu spontané.

Oui, c’était naturel, tout le monde a commencé à la chanter. Je me suis dit "ok, bon, je suis avec tout le monde", si je ne chante pas, c’est même irrespectueux.

J'aimerai bien améliorer ma défense et le petit jeu

Avec ce qui s’est passé hier, sentez-vous le public vous a adopté véritablement comme une nouvelle joueuse française?

C’est comme ça depuis le début du tournoi et mon premier match face à Maria Sakkari sur le court Simonne-Mathieu. Les gens criaient "Ici c’est chez toi, on est avec toi". Ils me supportaient comme personne.

Le grand public vous découvre. Comment décririez-vous votre caractère et de quelle façon définiriez-vous votre tennis?

Pour moi, c’est un bon mélange entre agressivité et capacité à défendre. Initialement, j’avais un tennis vraiment offensif. Mais quand je suis arrivé à Cannes, dans l’académie de Jean-René Lisnard, on m’a appris à ramener les balles dans n’importe quelle situation, à laisser la balle dans le court pour créer le jeu et laisser l’autre faire la faute. Avant, je ne faisais que taper la balle, avec les yeux fermés.

Frapper, frapper, frapper... n'est-ce pas un peu l'école russe?

C’est vraiment ça, on est toutes des machines à frapper. Mais avec ça, on a beaucoup de joueuses dans le top 10, dans le top 50 et dans le top 100. L’école russe t’apprend à faire ça avec énormément de qualités. Quand je suis arrivé à Cannes, à l’Elite Tennis Center, à chaque fois que je faisais une faute, on me demandait d'être patiente et de ramener la balle. Pour moi, à l’époque, lorsque j'avais 17 ans, c’était une révolution. Je peux dire que je cherche encore mon identité de jeu. La base, c’est de rester agressive, mais j’aimerais bien améliorer ma défense et le petit jeu.

On vous voit constamment avec le sourire sur le court. Est-ce quelque chose de nouveau, que vous avez travaillé?

A l’origine, je suis quelqu’un de triste, énervée et sérieuse, c’est l’école russe. A la base, je n’étais pas vraiment fan de tennis, j'étais surtout là pour faire mon travail correctement. L’année dernière, je ressentais beaucoup de pression. J'ai aussi contracté une maladie qui m’a empêché de jouer. Quand je suis sorti de tout ça, après l’Open d’Australie, je me suis dit qu’il fallait avoir le sourire. Aujourd’hui, je suis ici à Roland-Garros avec ma famille et mon copain. Tout le monde m’aide à avoir ce sourire, à apprécier ce moment. C’est mon désir de rester cool. Le jeu est devenu trop sérieux, cela devrait être plus fun, plus relax. Notre carrière ne va pas durer plus de 10 ans. Avant mon premier tour face à Sakkari, j’étais très énervée, très stressée car ce n’était pas un bon tirage. Mon meilleur ami m’a dit: "Daria, quand tu auras 70 ans, quand tu seras dans ton canapé, tu te souviendras de ce moment. Tu dois être contente de ce moment pour avoir de bons souvenirs."

Vous êtes arrivée en 2017 en France, toute seule, sans votre famille. Quel rôle a joué votre maman?

Ma maman était ma coach à l’origine, elle est professeure de tennis en Russie. C’est elle qui m’a tout appris, les bases. Mais oui, c’est ma mère qui m’a envoyé en France avec un coup de pieds aux fesses (rires). Je n’avais pas trop le choix. Heureusement, Jean-René Lisnard m’a accepté. C’est comme ça qu’on a débuté ce chemin.

A quel moment commencez-vous à envisager la naturalisation française ?

En 2018, Jean-René Lisnard m’a demandé si je voudrais devenir française un jour. Je lui ai répondu: "oui pourquoi pas !" Dans ma tête, c’était anodin, mais ça a lancé le processus. Je n’avais jamais joué la Fed Cup pour la Russie, donc c’était un avantage. Tout ça est presque un hasard. Un peu comme le fait que je sois devenue joueuse professionnelle. Ma mère voulait m’envoyer au collège aux Etats-Unis. A 18 ans, nous avons eu une discussion à Cannes. Jean-René Lisnard m’a dit que je pouvais jouer Top 200. Ma maman a alors pensé qu’il fallait que je reste ici. C’est un hasard, c’était un risque pour moi. C’est comme ça que je suis devenue joueuse professionnelle.

Jean-René Lisnard a cru plus vite en vous que vous-même?

Exactement, et c’est encore le cas !

Et la première sélection avec l'équipe de France, en Fed Cup?

J’étais tellement contente d’aller sur le court. Tout le public, tout le monde me supportait. C’est l’un des moments que j'ai le plus apprécié dans ma vie. Mon adversaire avait abandonné alors que j’étais menée 3 jeux à 0. C’était très drôle et très particulier. Julien Benneteau m’avait alors dit: "tu es la seule Française à gagner un match sans avoir remporté un jeu."

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez reçu le survêtement de l’équipe de France. Y a-t-il eu un discours ?

J’ai fait un petit discours, rien d’incroyable. J’ai parlé avec mon cœur, pour évoquer ma fierté de jouer pour la France. C’est vraiment un moment où ma vie a changé. J’étais tellement fière et contente que tout le monde m’a accepté.

En France, j'adore tout !

Lundi, vous affrontez Mirra Andreeva, votre ex-compatriote. Vous sentez-vous prête à jouer sur le court central ?

Je n’ai jamais joué sur court Philippe Chatrier, ce sera la première fois. Je vais essayer de m’entraîner avant sur ce court pour appréhender les conditions. Mirra Andreeva, je la connais pas mal, je me souviens avoir joué un match d’exhibition contre elle. Elle m’avait tué 6-1, 6-1. Je n’avais aucune chance de revenir. Je sais qu’elle ramène bien la balle, elle est bagarreuse. Je vais tenter de donner le meilleur de moi-même, c’est tout ce que je peux faire.

Vous aurez aussi le public derrière vous, 10.000 personnes qui viendront vous encourager. C'est un sacré avantage, non?

Je vais utiliser ça comme un avantage. Si je peux avoir plus de plaisir et apporter des émotions au public, si je peux jouer avec, c’est tout bénéfice.

Qu'appréciez-vous particulièrement en France?

Honnêtement, en France, j’adore tout. Vin et fromages, ce sont des spécialités que je veux toujours avoir avec moi, jusqu’à la fin de ma vie. C’est rare, quand tu arrives d’un autre pays, de tout apprécier. J’habite à Cannes, j’apprécie beaucoup la météo, c’est un bel endroit pour pratiquer le tennis. J’adore la nourriture, les gens qui habitent là-bas. Tout le monde a le sourire, tout le monde est relâché.  C’est une belle vie et ça me donne la motivation pour m’améliorer.

Article original publié sur RMC Sport