Robert, Odile, Ernest, Luc et les autres

Reza fait monologuer des bourgeois

Dans la Ronde d’Arthur Schnitzler, c’est la syphilis qui passe d’une personne à l’autre, des maris et des femmes aux amants et aux putes. C’est elle le «lien social» qui fait le pont discret entre vie, plaisir, souffrance et mort. Dans Heureux les heureux, de Yasmina Reza, le couple moderne et citadin n’a plus besoin de ça pour développer sa propre maladie. Chacun est dans sa nuit à deux, à l’ombre efficace de sa caricature, uniquement éclairé par les rires sans lendemain du boulevard.

Chacun entre en scène tout seul, ou plutôt dans le confessionnal, pour un ou deux brefs monologues : 18 personnages, 21 monologues. Les monologues décrivent la situation où le personnage se trouve tandis qu’il se confesse à nous, lecteurs, ce que cette situation lui inspire sur ceux qu’il aime et fréquente, enfin ce que tout ça lui révèle sur sa propre vie. Chacun parle au présent, dans un style direct et descriptif : la phrase cherche sa méchanceté dans le rythme.

Les scènes sont de ménage et les lieux sont communs : supermarché, voiture, bus, dîner, bars, restaurants. Les personnages sont liés entre eux par le mariage, la famille, l’amitié, le désir, la profession, ou simplement par ce mélange inqualifiable de sentiments et de gestes qu’on nomme l’habitude, comme dans les films de Claude Sautet (ou de Pascal Thomas). Il y a deux journalistes assez vulgaires, un cancérologue incestueux et pédé, un psychanalyste sauvage et dominant, une chanteuse soumise, un vieux couple plus modeste de joueurs de bridge, jeu de cartes qui sent bon le tapis vert carré, le porto et les Trente Glorieuses. Il y a un couple d’ectoplasmes sentimentaux où chacun appelle l’autre «mon cœur», et qui a conscience que leurs amis se foutent d’eux parce qu’ils s’appellent «mon cœur». Mais, comme la vie est imparfaite, leur fils se prend pour Céline Dion et croit que l’asile où on l’interne est son studio d’enregistrement. Les femmes s’en sortent moins bien que les hommes, on (...) Lire la suite sur Liberation.fr

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