Robert Badinter est mort, l’ancien ministre de la Justice avait 95 ans

POLITIQUE - C’est un pan de l’Histoire qui s’est éteint. L’ancien ministre de la Justice, juriste et avocat, connu pour son combat contre la peine de mort, Robert Badinter est décédé à l’âge de 95 ans, dans la nuit de jeudi à vendredi, a-t-on appris auprès de sa collaboratrice, Aude Napoli.

Le président de la République Emmanuel Macron a rendu hommage dans la foulée sur les réseaux sociaux « à une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français ».

C’est Robert Badinter qui, garde des Sceaux en 1981 sous la présidence de François Mitterrand, avait défendu devant le Parlement, et dans un vibrant discours, le 17 septembre, l’abolition de la peine capitale en France.

« Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées », avait-il lancé aux députés. Le projet de loi est adopté le lendemain par les députés, et le 30 septembre par les sénateurs. La loi abolissant la peine de mort est promulguée le 9 octobre 1981.

« Nul ne peut être condamné à la peine de mort » : 25 ans plus tard, le 19 février 2007, l’abolition est inscrite dans la Constitution par le Parlement réuni en Congrès à Versailles.

Des affaires emblématiques

En 1942, alors qu’il n’a que 14 ans, son père est arrêté sous ses yeux à Lyon. Il mourra en déportation dans le camp de concentration de Sobibor (Pologne), tandis que sa famille est réfugiée en Savoie.

Cofondateur avec Jean-Denis Bredin d’un prestigieux cabinet d’avocats d’affaires, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l’entreprise, et plaide occasionnellement aux assises. Parmi les affaires emblématiques de sa carrière d’avocat, la défense de Patrick Henry, ou celle du tennisman Jimmy Connors.

Alors que le premier risquait d’être exécuté pour l’enlèvement et le meurtre du petit Philippe Bertrand, l’avocat plaidait devant les jurés : « On prend un homme vivant et on le coupe en deux morceaux, c’est cela guillotiner ». Patrick Henry est finalement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité

Il obtient également de la Bolivie l’extradition de Klaus Barbie, l’ancien chef de la Gestapo à Lyon. Reconnu coupable de crimes contre l’humanité, Barbie sera condamné en 1987 à la prison à perpétuité. C’est aussi lui qui soutiendra en 1982 la dépénalisation de l’homosexualité.

Robert Badinter, qui a toujours rejeté la « haine justicière », soutiendra en 2001 la libération pour raison d’âge de l’ancien préfet de police et ministre Maurice Papon, 90 ans, condamné pour complicité de crimes contre l’humanité.

Président du Conseil constitutionnel entre 1986 et 1995, Robert Badinter fut également sénateur des Hauts-de-Seine. Il était l’époux d’Élisabeth Badinter avec qui il a eu trois enfants.

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