Riad Sattouf raconte en BD les débuts de Vincent Lacoste, ado "raide et mou" devenu star de cinéma

Détail de la couverture du
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En attendant d’achever L’Arabe du futur, Riad Sattouf se lance dans une nouvelle biographie. Pas la sienne, mais celle de son ami et de sa muse, Vincent Lacoste. Un ado anonyme devenu un des acteurs les plus demandés de sa génération, de Hippocrate (2014) aux Illusions Perdues (encore en salles). Un jeune homme de vingt ans son cadet avec qui il entretient désormais un "rapport quasi familial" et à qui il consacre une série d'albums intitulés Le Jeune Acteur.

Le premier tome, qui sort ce jeudi 4 novembre, retrace les débuts de la carrière de Vincent Lacoste, de son casting sauvage pour Les Beaux Gosses au triomphe en salles de ce teen movie potache (plus d’un million d’entrées en 2008). Le livre, qui alterne les points de vue de Sattouf et de Lacoste, se termine alors que le jeune acteur, ivre de son succès, accepte des films sur des coups de tête et signe pour tourner une comédie commerciale, De l'huile sur le feu, sur un livreur à domicile pris dans une guerre entre une restaurant chinois et un kebab.

Le projet du Jeune acteur remonte à sept ou huit ans. Une époque où Vincent Lacoste commençait à tourner sans son pygmalion: "Il a vu que je faisais plein de films loin de lui, que je ne lui demandais plus trop conseil et il est venu me trouver en me disant que ce serait pas mal de faire cette BD. Je ne le prenais pas du tout au sérieux. Au début, j’hallucinais un peu, parce que j’ai 28 ans! C’est un peu tôt pour commencer ma biographie! Je ne l’aurais jamais fait s'il ne me l’avait jamais proposé. Et j’ai compris que ce n’était pas une hagiographie, donc ça allait."

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Le Jeune Acteur est un véritable exercice d’autodérision. Lacoste y est présenté comme un adolescent "raide et mou". "Faire ce livre nécessitait une totale honnêteté. Sinon ça n’a aucun intérêt. Je lui ai fait confiance", précise l’intéressé. "On a décidé de faire une bande dessinée qui soit accessible à des gens ne lisant pas de bandes dessinées, et qui ne connaissent ni Vincent ni moi. Et qui puisse être lue ou relue avec un second niveau de lecture par quelqu’un qui adorerait Vincent et qui connaîtrait sa carrière", complète Riad Sattouf.

"Vincent, c’est le compagnon des premières fois"

Le Jeune acteur est inspiré d'anecdotes glanées depuis des années par le dessinateur: "Il me racontait ses tournages. Comment ça se passait avec les autres acteurs, les autres actrices. Ses galères. Ses angoisses. Splendeur et misère de la vie d’acteur. Je l’ai regardé grandir, et notre album est devenu vraiment concret pendant le confinement après L’Arabe du futur 5."

Pourquoi une BD et non un nouveau film? Le souvenir de l’échec cuisant de Jacky au Royaume des filles (2014) est encore présent dans l’esprit de Riad Sattouf. Et la solitude de la BD plaît davantage à ce dessinateur connu pour superviser chaque aspect de la fabrication de ses livres. "Je m’étais remis à la bande dessinée en me rendant compte que faire des livres était en fait ma vraie passion. C’était ça que je voulais vraiment faire. C’est là que j’étais le plus heureux avec mes dessins, sur ma planche à dessin."

Avec Le Jeune Acteur, Riad Sattouf se lance dans une aventure inédite et fonde sa propre maison d’édition, Les Livres du futur, "parce que Vincent, en fait, c’est le compagnon des premières fois": "C’était le meilleur projet pour lancer une telle chose. J’ai fait mon premier film avec lui. Lui a fait sa première fois au cinéma en tant qu’acteur avec moi. C’est sa première BD et pour moi c’est ma première fois en tant qu’éditeur."

"J’étais censé être quelqu’un de lambda"

Le Jeune Acteur raconte la même histoire que L’Arabe du Futur, celle d’un jeune garçon placé soudainement sur le chemin des Arts alors que rien ne l’y prédestinait. Dans L’Arabe du futur, le jeune Riad devient par hasard dessinateur, lorsque sa grand-mère repère sous sa plume une brillante caricature de Pompidou. Dans Le Jeune Acteur, le jeune Vincent devient acteur parce qu’il était au bon endroit au bon moment:

"Le moment où on m’a donné le papier du casting des Beaux Gosses à la cantine, c’était de la pure chance, du pur hasard. On m’a donné un papier mais je n’y suis pas allé. J’étais un adolescent assez timide, assez complexé: l’inverse d’un acteur. J’avais des amis qui n’étaient pas spécialement les nouveaux Leonardo DiCaprio et qui avaient été rappelés pour le casting. C’est à ce moment que je me suis dit que c'était possible, et que j’ai été pris. Franchement, c’est la preuve que tout est possible. Je n’étais pas fait pour être acteur. C’est un bug dans la matrice. J’étais censé être quelqu’un de lambda."

Le hasard ne fait pas tout. Lacoste a beaucoup travaillé. Il a dévoilé une facette plus émouvante de sa personnalité dans Amanda (2018), drame sur les attentats, et il a montré une dureté inédite dans son jeu dans Première année (2018). "En regardant des films, en m’intéressant au cinéma, j’ai trouvé un sens. Les choses sont venues petit à petit. Maintenant je fais des films qui me plaisent. Je commence à avoir des rôles différents. La première fois qu’on m’a demandé de jouer, j’ai fait comme si j’étais un gangster alors que j’avais 14 ans et que j’étais puceau. Je pensais que ça allait marcher. Je n’avais aucun code."

Pour Riad Sattouf, Vincent Lacoste "s’est transcendé par l’Art lui-même". Pour symboliser cette transcendance par l’Art, le dessinateur s'est appuyé sur la couleur jaune. "Je voulais raconter le chemin initiatique d’un héros qui part des profondeurs pour aller jusqu’au sommet. Ma partie est bleu foncé comme les abysses, on est dans l’inconscient. La partie de Vincent, c’est la lumière et l’or. C’est l’enfant soleil. C’est le fils du soleil. Il brille de mille feux et de mille éclats." Comment garder les pieds sur terre en étant le fils du soleil? "Je ne me le dis pas tous les jours!", sourit Vincent Lacoste.

Deux ou trois tomes prévus

Dans Le Jeune Acteur Riad Sattouf se dévoile sous un autre jour que L’Arabe du Futur. Il y apparaît plus protecteur et plus déterminé que dans son autobiographie dessinée: "Ce qui m’a surpris aussi, et ce dont je ne me suis pas rendu compte, c’est que dans Le Jeune Acteur j’ai pris une sorte de place de père pour ce jeune qui était une sorte de double de moi au même âge. Je me retrouve dans une situation paternelle à lui faire la morale. Même graphiquement, j’ai pris la place de la figure paternelle qu’il y avait dans L'Arabe du Futur. C’est assez inconscient." Une vraie mère de poule, admet-il:

"Je voulais qu’il puisse avoir une vie normale de jeune étudiant comme tout le monde. Le cinéma est un des milieux les plus dangereux qui soit, cela peut rendre fou! Les succès peuvent être énormes. Les échecs peuvent être énormes. La pression est gigantesque. L’ego peut enfler incroyablement. Tout d’un coup, vous pouvez être un monument national et du jour au lendemain vous êtes oublié, vous êtes misérable, vous errez dans la rue rejeté, les gens vous oublient totalement. C’est extrêmement violent."

"Je ne voulais pas qu’il détruise sa vie après Les Beaux gosses", ajoute encore le dessinateur. "S'il avait fini toxicomane comme l'archétype des jeunes acteurs qui commencent très jeunes, je m’en serais voulu effroyablement. Donc j’étais un énorme tonton ultra casse pied. Je n’arrêtais pas de le menacer. Je lui disais que je ne le prendrais pas dans mon prochain film s’il n’avait pas son bac!" "Il me menaçait pour Jacky au Royaume des filles: 'Si tu n’as pas le bac, interdiction de jouer dans Jacky!'", s’amuse l’intéressé, qui a eu son diplôme de justesse.

On découvrira cette partie de sa vie dans le prochain album. Il faudra cependant attendre quelques temps. "Tout est déjà écrit parce que ça devait être un gros volume. Je l’ai scindé en plusieurs. C’était trop long en un volume. Il y en aura deux ou trois. Il y a une vraie fin", indique Riad Sattouf, qui se concentre pour l’heure sur le sixième tome de L’Arabe du futur, prévu pour l’année prochaine. Le Jeune Acteur 2 ne devrait pas arriver avant 2023. Et après seront réédités aux Livres du Futur quelques anciens titres de Sattouf épuisés depuis des années, comme Pipit Farlouse.

Le Jeune Acteur: Aventures de Vincent Lacoste au cinéma, tome 1, Riad Sattouf, Les Livres du Futur, 140 pages, 21,50 euros.

Article original publié sur BFMTV.com