Retraites: la "technique de drague pas fine" du gouvernement pour séduire les députés LR hésitants

La crise de nerfs n'est plus très loin. Face à un gouvernement qui cherche tous azimuts des soutiens pour faire voter jeudi sa réforme des retraites dans l'hémicycle et éviter un 49.3 désastreux pour l'image, les députés de droite font l'objet de toutes les attentions.

"Le téléphone n'arrête pas de sonner soit pour se faire enguirlander, soit pour se faire séduire. Il est temps qu'on passe à autre chose", soupire un élu auprès de BFMTV.com.

"Un peu marre"

Il faut dire que l'exécutif n'a guère le choix. Sans majorité absolue, Élisabeth Borne doit à tout prix faire le plein de voix à droite. Mais pour l'instant, 22 députés pourraient voter contre le projet de loi ou s'abstenir ce jeudi sur 61, selon notre compteur. Elle a pourtant besoin d'au moins 40 voix de leur part si elle veut s'assurer une majorité solide.

De pousser le gouvernement à leur lancer des perches de tous les côtés.

"J'en ai un peu marre. Ça ressemble à une technique de drague pas fine, pas très probante voire même un peu absurde", raconte encore une députée LR.

Ministre et conseiller par téléphone

À la manœuvre, Franck Riester, le ministre délégué des Relations avec le Parlement avec une technique bien rodée. "Il vous appelle et puis l'un de ses conseilleurs suit peu de temps après", explique un député. L'ancien élu LR, passé dans le camp de la majorité en 2017, est vu comme le profil idéal pour convaincre d'anciens collègues récalcitrants.

"On fera tout pour éviter le 49.3 jusqu'au bout", résumait d'ailleurs son entourage dès la semaine dernière.

Au risque de faire grincer des dents: "franchement, nous envoyer un traître pour nous convaincre, merci bien", tance un vieux routier du Parlement.

Séduire "le ventre mou"

Mais sur la liste des appels à passer, certains noms n'ont pas été cochés, à l'instar de ceux de "la jeune garde" des députés LR menée par Aurélien Pradié comme Pierre-Henri Dumont et Raphaël Schellenberger.

"Ceux-là n'ont pas été même pas été approchés. Je pense que le gouvernement a bien compris qu'il n'allait pas les faire changer d'avis", décrypte ainsi un collaborateur du groupe LR.

L'exécutif vise plutôt ce qu'un conseiller ministériel appelle "le ventre mou": les députés qui hésitent encore ou qui envisagent l'abstention.

"Une députée plutôt contre le texte a dit qu'elle n'était pas sûre de ce qu'elle allait faire jeudi", avance ainsi un participant lors de la réunion de groupe ce mardi matin. "Cela montre bien qu'il peut y avoir des retournements de situations complets" analyse encore une proche d'Éric Ciotti.

Manifestants et courriers

Avec un caillou dans la chaussure pour Élisabeth Borne: les députés qui sont le moins convaincus par la réforme sont souvent ceux qui ont eu le plus d'interpellation de leurs élections, avec de fortes manifestations sur leur territoire.

"J'ai eu 8000 manifestants dans ma circonscription, des courriers très remontés. Forcément qu'on n'est pas sourds et qu'on entend bien ce qui se passe", résume un député qui devrait cependant voter en faveur de la réforme.

L'un de ses collègues résume le dilemme plus cruellement : "soit on passe pour les supplétifs du gouvernement soit pour des gens qui n'entendent pas que la réforme en l'état n'est pas au point. C'est un peu insoluble".

"On passerait vraiment pour des idiots"

Dans le camp de la direction, les états d'âme sont moins nombreux et on commence à taper du poing sur la table. Olivier Marleix, le président des députés LR, a ainsi haussé le ton ce mardi matin.

Tout en rappelant "la liberté de vote de tous", il a avancé "qu'il n'était pas acceptable que des députés co-signent une motion de censure avec des gens de gauche ou des centristes" du groupe LIOT. Dans son viseur: le dépôt d'une éventuelle motion transpartisane et la crainte d'une scission du groupe.

"Il a dit qu'on pouvait voter comme on le souhaitait parce que sinon, il perd la face tant on est divisé. Mais on passerait vraiment pour des idiots si, après les concessions du gouvernement, on ne votait pas pour", décrypte l'un des participants.

Une commission mixte paritaire en dernier recours

Le gouvernement compte toujours sur la commission mixte paritaire pour convaincre les récalcitrants parmi les députés LR. Avec pour seul point de discussion au sein de cette réunion entre sénateurs et députés qui vont chercher à se mettre d'accord: le projet de loi voté au Sénat, à majorité de droite, les LR arrivent en position de force.

L'exécutif a déjà concédé à la droite un recul de l'âge de départ à 64 ans, et non 65, ainsi qu'un relèvement des petites pensions élargi aux retraités actuels. Suffisant? Olivier Marleix y compte bien: une réunion de groupe aura lieu après la CMP, d'après des informations de BFMTV.com.

Comme pour conjurer le mauvais sort, Élisabeth Borne a lancé un très insistant appel aux LR ce mardi après-midi lors des questions d'actualité. Jusqu'ici, voter un budget - le véhicule législatif choisi par le gouvernement - a toujours signifié être membre de la majorité.

Article original publié sur BFMTV.com