Retraites, Sainte-Soline… La Macronie utilise les violences pour acculer la gauche

Des policiers de la Brav-M photographiés à Paris lors de la jounée de mobilisation du 23 mars.
Des policiers de la Brav-M photographiés à Paris lors de la jounée de mobilisation du 23 mars.

POLITIQUE - La tension ne cesse de monter. Et la Macronie cherche (toujours) une porte de sortie sur la difficile séquence de la réforme des retraites, à laquelle se sont ajoutées les scènes chaotiques observées ce samedi 26 mars à Sainte-Soline. L’occasion pour l’exécutif de reprendre l’argument des « factieux » qui défient les institutions, en impliquant si possible les élus de la NUPES, dont certains représentants étaient à la fois présents sur le site des Deux-Sèvres, et dans la rue pour contester la réforme des retraites.

En première ligne sur le front sécuritaire, Gérald Darmanin a appelé ce samedi « tous les élus de la République à condamner avec la plus grande fermeté et sans la moindre ambiguïté ces violences ». Un refrain répété ce dimanche 26 mars par plusieurs responsables macronistes, allant parfois plus loin que le ministre de l’Intérieur dans le sous-entendu.

« Il y a un continuum entre la violence du discours politique et les violences exprimées dans la rue. Les débordements au Parlement génèrent les débordements dans la rue. Ils participent à installer l’idée que la violence des casseurs serait une forme de réponse légitime à la violence ressentie par ceux qui manifestent », a jugé Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, dans une interview au JDD.

Dénonçant des « apôtres de la violence », le député Renaissance de Paris Benjamin Haddad a affirmé sur RMC que les élus de la gauche présents à Sainte-Soline ou dans la rue contre la réforme cherchent à « encourager la violence » contre les forces de l’ordre. « Il est intolérable que des députés et élus Nupes cautionnent ces brutalités », a renchéri sur Twitter son collègue Sylvain Maillard.

Sur LCI, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun Pivet, a ciblé La France insoumise qui « d’une certaine façon légitime » la violence dans les manifestations en considérant que « ces individus ont de bonnes raisons » de se défendre face une « violence institutionnelle » supposée. « C’est ahurissant comme prise de position », s’est-elle indignée, en demandant à tous les élus du Palais Bourbon de condamner les menaces qui pèsent sur les députés qui défendent la réforme des retraites.

« Vieille tactique »

Au même moment sur Radio J, François Bayrou accusait Jean-Luc Mélenchon de fomenter un « une stratégie de déstabilisation de notre société par la multiplication des affrontements », établissant donc un lien direct entre la France insoumise et les violences qui, rappelons-le, n’épargnent pas les manifestants. Du côté des opposants à la réforme des retraites, la motivation derrière cet angle d’attaque ne fait guère de doute.

« Le gouvernement cherche à envenimer les choses. C’est une vieille tactique pour discréditer le mouvement. Impressionner les gens, leur faire peur et essayer de reprendre la main sur l’opinion publique. Mais ce qui caractérise ce mouvement, c’est que, depuis deux mois, l’opinion publique n’a pas bougé. Elle s’est même confortée dans le rejet de la réforme », jugeait dans la semaine le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans une interview au Monde.

« Je me demande si ce n’est pas ce que cherche le Président de la République, tout faire pour radicaliser le mouvement, pour susciter tant de colère qu’elle déborde (...) et retourner l’opinion contre les manifestations », a renchéri ce samedi sur RMC Fabien Roussel. Dans cette guerre de communication où chacun tente d’imposer son récit au moment où la situation se tend, la focalisation sur les liens supposés entre la gauche et les violences expose paradoxalement la Macronie sur son flanc droit. Car les images des affrontements donnent de la matière aux procès en perte de contrôle.

Interrogé sur les scènes déplorées à Sainte-Soline, le député RN Jean-Philippe Tanguy a pointé ce dimanche sur franceinfo la « part de responsabilité » du gouvernement, « qui une fois encore à laisser converger des personnes dangereuses » vers le site. « Le pays est trop fracturé pour qu’Emmanuel Macron utilise sa traditionnelle stratégie du pourrissement de la situation afin d’en tirer un bénéfice politique en incarnant le parti de l’ordre. Il est urgent de renouer le dialogue et d’écouter les craintes et les doutes », a jugé de son côté le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, en réagissant aux scènes de violences déplorées après la manifestation de jeudi à Paris.

« Pari risqué »

Auprès du HuffPost, Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de la communication politique, voit dans cette salve d’attaques un « discours classique » ayant pour double objectif de « rassembler l’électorat conservateur » sur lequel compte Emmanuel Macron et de « jouer la division » sur la contestation sociale.

« En réalité, l’exécutif fait ça depuis le début, mais ça ne prenait pas, car les violences étaient limitées dans les premières manifestations. Or, l’utilisation du 49.3 et l’interview d’Emmanuel Macron qui a été perçue comme une provocation ont conduit à des débordements qui permettent d’abattre la carte du camp de l’ordre », poursuit l’enseignant à Sciences Po, qui juge que c’est un « pari risqué » de la part de l’exécutif.

« Depuis les gilets jaunes, on observe que les opinions ont tendance à soutenir les mobilisations malgré les violences. Et pour une raison simple, c’est qu’il ne paraît pas y avoir à ce stade d’issue politique à la crise. Cela crée donc une logique de surenchère », poursuit Philippe Moreau-Chevrolet, estimant que cette communication « amplifie le problème ».

À l’appui, cette étude de l’Observatoire Société et Consommation (Obsco) montrant qu’un Français sur deux (51 %) se disait d’accord avec l’affirmation suivante : « dans les mois à venir, des actions militantes violentes seront nécessaires pour contraindre les hommes politiques à prendre en compte l’avis de la population » en amont de la journée du jeudi 23 mars.

Dans cette même étude, près d’un sondé sur quatre affirmait être « tout à fait d’accord pour légitimer des actions violentes ». Autant de signaux qui incitent notre interlocuteur à penser que cette stratégie de communication ne devrait pas permettre à la Macronie de s’extirper de cette crise.

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