Retraites: vers une motion de censure de toutes les oppositions pour faire tomber le gouvernement?

Une hypothèse qui a de quoi donner des sueurs froides au gouvernement. Face à la possibilité de dégainer le 49.3 la semaine prochaine à l'Assemblée nationale sur la réforme des retraites, des députés LR envisagent de se rapprocher d'élus de gauche et du groupe LIOT (Libertés, Indépendant, Outre-mer territoires). Avec pour objectif de déposer une motion de censure transpartisane et faire tomber le gouvernement d'Élisabeth Borne.

Si plus d'une dizaine ont été déposées depuis le début de la nouvelle législature - dont une dernière le 18 février dernier par Marine Le Pen après la fin des débats sur la retraite à 64 ans - aucune motion de censure n'a jusqu'ici été adopté.

Convaincre au-delà de son simple camp

Et pour cause: la Nupes refuse depuis le début du second quinquennat d'Emmanuel Macron de voter avec le Rassemblement national, tout comme les LR. Mais pour faire tomber le gouvernement, il faut réunir 289 voix donc bien au-delà de chaque compte politique.

Le groupe RN rassemble 88 députés, la Nupes 149, les LR 61. Autant dire que la donne change si une motion de censure émane de plus d'un seul camp, ouvrant la voix à une possible adoption.

Certains députés LR, opposés à la réforme des retraites, se sont donc rapprochés des élus LIOT. Méconnu, ce groupe de 20 députés brasse large et réunit des centristes, des anciens macronistes, et des élus ultramarins. Dans leur viseur également: des députés écologistes, socialistes et communistes.

Une motion déposée avec "des gens raisonnables"

Pour pouvoir déposer cette motion de censure transpartisane, il faut réunir 58 voix - un palier qui semble atteignable.

"Si on le fait, c'est avec des gens raisonnables, des gaullistes. Des communistes par exemple", assure un député LR à BFMTV, excluant de demander aux députés insoumis.

Même son de cloche du côté des socialistes. "Oui, on peut la cosigner", assure ainsi un élu PS, voyant dans les LR "un parti républicain". Les écologistes mettent cependant un bémol.

"Il faut que ce soit une motion large", avance un député EELV.

Comprendre: avec un contenu par écrit qui puisse être accepté par la plupart des camps de l'Assemblée nationale. Les mots trop clivants ou le détail d'une réforme des retraites alternatives ne devraient donc pas faire partie du texte.

La menace de la dissolution pour décourager les LR

Reste ensuite à convaincre très largement les députés pour atteindre les 289 voix nécessaires pour faire adopter la motion de censure. Ce chiffre est atteignable si les LR la votent dans leur très grande majorité. Avec les voix des oppositions et LIOT, on compte 298 députés, soit 9 petites voix d'avance.

Si cette motion de censure transpartisane était adoptée, le gouvernement d'Élisabeth Borne serait renversé. Emmanuel Macron peut alors changer de Premier ministre ou réinvestir sa cheffe de gouvernement sortante. Mais le président a déjà mis en garde.

"S'il y a une motion de censure qui est votée, je dissous tout de suite", avait lancé le locataire de l'Élysée en septembre dernier.

"Ras-le-bol pour ras-le-bol"

Avec un pari: que cette menace fasse suffisamment peur aux LR. Après l'élection de 61 députés - un chiffre inespéré après une présidentielle catastrophique -, le président fait le calcul que les élus de la rue de Vaugirard n'ont aucune envie de revenir devant leurs électeurs.

Mais une autre hypothèse que celle de la motion transpartisane est sur la table: celle de certains députés de droite qui voteraient les très probables motions de censure du RN et de la Nupes. Une première depuis le début du quinquennat.

"C'est sûr que ce geste serait minoritaire. Mais ras-le-bol pour ras-le-bol...", décrypte un député de droite.

Autant dire que le fossé entre des sénateurs de droite qui font tout pour faire voter la réforme au Palais du Luxembourg et les députés LR serait plus grand que jamais. Et Emmanuel Macron probablement inquiet pour la suite de son quinquennat. Sans appui des élus de droite, la donne se compliquerait très fortement pour l'exécutif dans les prochains mois.

Article original publié sur BFMTV.com