Retraites : l’article sur les pensions à 1 200 euros ne sera sans doute pas discuté et c’est bien dommage

Photo d’illustration d’un tract de l’organisation Lutte ouvrière, prise le 8 février 2023, au lendemain de la troisième journée de mobilisation.
JOEL SAGET / AFP Photo d’illustration d’un tract de l’organisation Lutte ouvrière, prise le 8 février 2023, au lendemain de la troisième journée de mobilisation.

POLITIQUE - 1 200 euros ni sonnants ni trébuchants. Pour contrebalancer le recul de l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement met en avant la revalorisation des petites pensions de retraite à 1 200 euros. Sauf que comme souvent, le diable se cache dans les détails… sur lesquels il serait vraiment dommage que les députés ne débattent pas.

Les débats sur la réforme des retraites à l’Assemblée nationale ont, en vertu du véhicule législatif choisi, une durée de vie limité à 20 jours maximum. Plus de 20 000 amendements ont été déposés, faisant craindre de ne même pas pouvoir arriver à l’article 7 sur le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Alors cet article 10 sur les 1 200 euros…

Cela n’empêche pas les subtilités de la revalorisation des pensions les plus faibles d’être largement commentées, souvent en défaveur du gouvernement renvoyé à ses contradictions. Ainsi, ce vendredi 10 février le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester est épinglé après un passage sur BFMTV la veille. « On n’a jamais dit que nous allions donner 1 200 euros à tout le monde », assure le ministre en plateau. Vraiment ? Plusieurs journalistes ont rapidement exhumé un entretien à Sud Ouest daté du 9 décembre 2022 où il affirme qu’il n’y aura « pas moins de 1 200 euros net pour une carrière ».

Ce que dit le gouvernement

En présentant sa réforme le 10 janvier, Élisabeth Borne a déclaré que « les salariés et les indépendants qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du SMIC, partiront désormais avec une pension de 85 % du SMIC net, soit une augmentation de 100 euros par mois » . C’est cette augmentation qui fait dire à la Première ministre que les pensions seront à « près de 1 200 euros par mois dès cette année », en précisant que cette mesure s’appliquera aux retraités actuels.

Mais au fil des jours, plusieurs ministres ont simplifié, parfois jusqu’à la caricature, la mesure en présentant les 1 200 euros comme un « plancher » pour ne citer que Marlène Schiappa. Ils ont ainsi fait disparaître une précision qui change beaucoup : « la carrière complète au niveau du SMIC », pour reprendre les mots de la cheffe du gouvernement.

Ces imprécisions voire ces erreurs - il s’agit en réalité de 1 200 euros brut et pas net, comme le gouvernement l’a reprécisé par la suite - ont été démontrées au fil des jours par certains économistes. Parmi eux, Michael Zemmour, régulièrement cité par les responsables politiques de gauche, a étrillé l’article 10 dans un entretien très relayé face à Léa Salamé sur France Inter le 7 février.

Les détails qui changent la donne

Reprenons depuis le début. Tout d’abord, les 1 200 euros annoncés ne sont pas une somme fixe mais « une barre » pour reprendre les mots d’Olivier Dussopt sur France Inter le 9 février. Dis autrement, c’est un objectif que le gouvernement se donne. Et nullement une « pension minimale » comme le martèlent certains élus de la majorité.

Ensuite, la revalorisation de 100 euros ne va pas concerner « les pensions » mais le « minimum contributif », c’est-à-dire le montant minimum que touchent les retraités, et qui varie de 684,13 € à 747,57 €. La réforme prévoit qu’il soit indexé sur le SMIC et non plus sur l’inflation et qu’il soit augmenté jusqu’à 100 euros maximum à partir du 1er septembre.

Pour prétendre à cette revalorisation, il faut avoir travaillé une carrière complète (168 trimestres soit 42 ans aujourd’hui, 172 trimestres soit 43 ans d’ici 2027) comme l’avait dit Élisabeth Borne et avec une rémunération au niveau du Smic.

Mais tous les salariés ne remplissent pas forcément ces deux conditions et donc, tout le monde ne verra pas sa pension de retraite augmenter de 100 euros. Selon les cas, la revalorisation sera comprise entre 20 et 100 euros mensuels. À titre d’exemple, l’étude d’impact de la réforme disponible sur le site de l’Assemblée nationale précise que « pour ceux ayant une carrière incomplète, le montant sera proratisé dans une logique de valorisation du travail ».

Combien de personnes à 1200 euros ?

Dès lors, il est impossible d’affirmer que tous les retraités atteindront une pension à 1 200 euros. Le ministre du Travail Olivier Dussopt a reconnu le 9 février que ceux qui ont fait « beaucoup de temps partiel » auront « une augmentation mais ça n’arrivera pas forcément à 1 200 euros, même avec une carrière complète ». Les auteurs de l’étude d’impact de la réforme évoquent aussi le cas « d’un salarié ayant une carrière intégralement cotisée sur la base de 0,5 SMIC » et chiffrent sa pension totale à 1 020 €. Plus largement, sur les six cas-type étudiés dans ce document, aucun n’atteint les 1 200 euros.

Alors dans les faits, combien de personnes bénéficieront arriveront vraiment à cette somme ? Sur France Inter, le ministre du Travail botte en touche. « Vous dire que ça représente 10 000, 20 000, 30 000 personnes, je ne le sais pas, parce que ça va changer chaque année, en fonction des carrières des personnes concernées », reconnaît-il. Seule certitude : ils seront 1,8 million de retraités actuels à voir leur pension augmenter. Soit un peu plus de 10 %.

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