Retraites : cet échange entre Ciotti et un proche de Macron qui a fait basculer l'exécutif vers le 49.3

Éric Ciotti à l'Assemblée nationale le 21 novembre 2017 - BERTRAND GUAY / AFP

Après de multiples réunions au sommet, l'exécutif a activé le 49.3 pour adopter la réforme des retraites sans le vote de l'Assemblée nationale jeudi. Une conversation entre Éric Ciotti et un proche d'Emmanuel Macron a été décisive.

Une conversation décisive pour décider du sort de la réforme des retraites. Le président des Républicains a contacté, jeudi, un proche d'Emmanuel Macron, pour lui indiquer les intentions de vote des membres de son parti, des déclarations qui ont joué en faveur d'un passage en force de l'exécutif pour adopter via le recours au 49.3.

Selon les informations de BFMTV, Éric Ciotti a fait savoir à ce proche du président de la République que, d'après ses calculs, il y aurait 30 votes des LR pour la réforme des retraites, 25 votes contre et 6 abstentions.

Aller au vote, trop risqué

Aller au vote serait donc risqué pour le gouvernement, qui a plutôt besoin d'une quarantaine de voix "pour" des Républicains afin de faire adopter la réforme. Ces informations données par Éric Ciotti ont alors fait basculer les mentalités.

Jusqu'en début d'après-midi, les jeux n'étaient pas encore faits. Vote, pas vote ? L'exécutif hésite, tergiverse, comme l'expliquent nos journalistes dans le long format "Ligne rouge".

Si mercredi soir, l'immense majorité des membres de la première réunion organisée autour du président avaient conseillé d'aller au vote de la réforme, à l'exception de la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, ils ne sont plus qu'une poignée à défendre le vote lors de l'ultime réunion, jeudi à 14 heures.

François Bayrou, Gabriel Attal, ils sont nombreux à avoir basculé, et misent désormais sur un passage en force pour que le texte puisse voir le jour.

"Dans cette réforme on est passés en force depuis le début donc même si on va au vote, de toutes façons elle sera votée à quelques voix près (...) On sera critiqués comme étant passés en force (...) donc autant aller au 49.3", explique un ministre de poids.

"Je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège"

C'est ensuite, après un tour de table des participants, qu'Emmanuel Macron annonce le recours au 49.3.

"Mon intérêt politique aurait été d'aller au vote. Parmi vous tous je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu'en l'état, les risques financiers, économiques sont trop grands", a déclaré Emmanuel Macron lors de l'ultime réunion.

Si les informations données par le chef des LR Éric Ciotti a fait basculer la majorité vers le 49.3, Matignon s'y était préparé avant que la décision ne soit officielle. La Première ministre Élisabeth Borne avait en effet indiqué assumer d'être "un fusible" en cas d'adoption du texte sans vote.

D'abord réticente au passage en force, la Première ministre aurait changé d'avis dans la matinée, selon nos informations. Et au moment d'annoncer dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce choix de recours au 49.3, l'ambiance est devenue électrique, entre cris, chants, huées.

Un pari risqué

Toute la semaine, le parti d'Emmanuel Macron était parti à la chasse aux votes et dans des calculs afin d'obtenir une majorité des voix pour le texte, mais les intentions dispersées des députés LR ont rendu le scrutin trop risqué. Les députés Renaissance ont ensuite pointé, dans un communiqué, "l'incohérence et l'irresponsabilité des députés LR".

Le Sénat avait toutefois adopté sans surprise la réforme des retraites lors de la seconde lecture du projet de loi plus tôt dans la journée, avec 193 voix pour, 114 contre et 38 abstentions.

C'est désormais au vote des motions de censure déposées par les groupes Liot et Rassemblement national à l'Assemblée que le gouvernement va devoir faire face, lundi.

Les députés LR attendus pour les motions de censure

Des motions de censure pour lesquelles les députés LR sont encore attendus. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a par exemple appelé vendredi les LR à "avoir le courage de résister aux pressions et à la macronie" et les a incités à voter. En échange, le RN s'engage à ne pas présenter de candidats face aux députés LR qui voteront la motion.

"Les députés LR n'ont jamais été à vendre, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain", a toutefois répondu, dans un tweet, le patron des députés LR Olivier Marleix à Jordan Bardella.

Jeudi et vendredi soir, des rassemblements spontanés ont vu le jour un peu partout dans le pays. Une nouvelle journée de mobilisation est organisée ce samedi en France, avec de nombreuses manifestations prévues dans plusieurs villes.

Article original publié sur BFMTV.com

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