Sur la retraite par capitalisation, la droite accusée de dévoiler un « agenda caché »

Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat, est soupçonné d’avoir dévoilé un « agenda caché » lors de l’étude de la réforme des retraites, en l’occurrence l’instauration de la retraite par capitalisation (photographie du 2 février).
Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat, est soupçonné d’avoir dévoilé un « agenda caché » lors de l’étude de la réforme des retraites, en l’occurrence l’instauration de la retraite par capitalisation (photographie du 2 février).

POLITIQUE - Dans les manifestations contre la réforme des retraites, cette crainte est souvent illustrée par des références à BlackRock, le géant américain de la gestion d’actifs qui a déjà été soupçonné de pousser la France à en finir avec le système par répartition. Et l’amendement adopté ce dimanche 5 mars par le Sénat ne risque pas de rassurer ceux qui voient dans le projet du gouvernement la porte ouverte vers ce système qui ferait le bonheur des fonds d’investissement.

Et pour cause : la droite sénatoriale a profité du débat sur la réforme des retraites pour imposer dans les discussions la retraite par capitalisation. Autrement dit, un système où chaque actif se construirait sa propre retraite en épargnant, via un fonds de d’investissements, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays. Un dispositif qui, de fait, soumet les pensions des retraités aux aléas du marché.

Juste une dose

Pour les sénateurs LR, il ne s’agit pourtant pas de passer à un système à l’américaine en un claquement de doigts. Selon eux, l’objectif est d’introduire seulement « une dose » de capitalisation, afin de « sauver le système par répartition ».

Dans l’hémicycle, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a détaillé cette idée. « On pourrait imaginer une fusée à trois étages : la répartition, les complémentaires gérées par les partenaires sociaux, et enfin un dernier étage par capitalisation », a fait valoir l’élu de Vendée, qui jure qu’il s’agirait d’un système « collectif et solidaire » et non individuel.

Majoritaires au Sénat, les élus de droite ont voté un amendement en ce sens, qui vise à étudier « les modalités d’instauration d’un régime social applicable à des cotisations versées à un régime d’assurance vieillesse par capitalisation ». Et ce, malgré l’avis défavorable du gouvernement. Cet amendement d’appel, qui vise plus à la discussion qu’à une traduction dans la loi discutée, a été adopté à 163 voix contre 126.

Ce dont la Macronie se serait bien passée. « Pas question d’en venir à une forme de capitalisation obligatoire », a grondé sur Public Sénat le patron des sénateurs Renaissance François Patriat, qui estime que « le système par capitalisation est l’affaire de ceux qui peuvent se la payer ». Le gouvernement, par la voix d’Olivier Véran, avait déjà fermé la porte à cette hypothèse.

« Agenda caché »

Reste que cette offensive de la droite donne du grain à moudre à la gauche, qui voit dans l’initiative des élus LR un « agenda caché » et l’objectif réel de la réforme des retraites.

« Ce qui est bien avec les sénateurs de droite c’est qu’ils disent tout haut ce que le gouvernement pense tout bas. La retraite par capitalisation : voilà l’objectif ! La finance ne supporte pas en effet que 350 milliards de cotisations annuelles lui échappent », a tweeté la sénatrice communiste de Seine-Maritime Céline Brulin.

« Au moins, c’est clair », a poursuivi sa collègue écolo Mélanie Vogel, publiant le détail de l’amendement en question. « Le but caché des incessantes réformes des retraites et de la baisse des pensions : la capitalisation votée par la droite du Sénat », a réagi Jean-Luc Mélenchon.

Depuis la présentation de la réforme des retraites début janvier, plusieurs élus de gauche avaient déjà soupçonné le projet d’ouvrir la voie à la capitalisation. « La réforme Macron ne promeut pas directement la capitalisation, mais indirectement, les coups de rabot au régime général y contribuent », affirmait notamment l’eurodéputée insoumise Manon Aubry.

Ce que le gouvernement a toujours nié, faisant du report de l’âge légal de départ en retraite une volonté de « sauver le système actuel », dont la philosophie est basée sur la solidarité intergénérationnelle. Début février dans le JDD, Élisabeth Borne définissait son texte comme une nécessité de préserver la France de « la retraite par capitalisation, qui incarne le règne du chacun pour soi, au détriment des plus modestes ». Ses alliés de droite au Sénat pensent manifestement autrement.

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