Responsabilités, changements, mercato... Après une saison ratée, l'heure du bilan et des questions à Rennes
Pour la première fois depuis 2017-2018, il n'y aura pas de soirées européennes au Roazhon Park la saison prochaine. C'est la fin d'une période dorée inédite pour le club et rare pour le foot français (seul le PSG fait mieux sur cette même période) de six qualifications continentales de suite pour les Bretons. Forcément, la déception était de mise dimanche soir au coup de sifflet final du nul contre Lens (1-1) sans pour autant se transformer en colère. Il n'y a pas eu de sifflets du public au moment du tour d'honneur des joueurs. Peut-être car cet échec final n'est finalement pas brutal, mais prévisible au vu de la première partie de saison manquée. Peut-être aussi "car les supporteurs ont perçu qu'au moins sur la deuxième partie de saison, il y a eu un engagement total des joueurs et qu'il y a quand même un parcours sur cette période qui mérite d'être souligné", a déclaré Julien Stephan.
Une saison ratée, ça arrive à tous les clubs. Voilà la phrase que l'on entend depuis déjà plusieurs semaines. Si elle est factuellement vraie, elle n'exonèrera pas les dirigeants de faire le bilan d'un exercice 2023-2024 qui aura été éprouvant. Olivier Cloarec et Florian Maurice le feront normalement face à la presse en début de semaine prochaine après le déplacement à Reims lors de la dernière journée. L'année dernière, au même moment du bilan et après une 4e place arrachée lors de l'ultime journée, Florian Maurice était apparu tendu, regard noir et revanchard pour défendre son travail qu'il trouvait exagérément critiqué. Cette fois, beaucoup parmi les supporteurs et les observateurs semblent l'attendre au tournant.
Florian Maurice en première ligne, ne pas exonérer Genesio
Car oui, bien sûr, il est en première ligne. Le directeur sportif a quitté le Roazhon Park rapidement dimanche après avoir pris la parole devant le groupe dans le vestiaire, visiblement touché et faisant part de sa profonde déception quant à la tournure de la saison. Parmi les questions qui attendent des réponses, il y a en premier lieu la constitution de l'effectif. Les recrutements rapides l'été dernier d'Enzo Le Fée et Ludovic Blas et l'arrivée de l'expérimenté Nemanja Matic, le "grand joueur" que le club attendait, avaient été salués par tous à l'époque. Il convient de le rappeler.
Neuf mois plus tard, Le Fée a déçu avant de se blesser en février. Blas n'a jamais vraiment existé au sein de l'équipe et Matic est parti avec pertes et fracas après seulement six mois. Les recrues ne sont malgré tout pas les seules à blâmer. Beaucoup de cadres n'ont que trop rarement été au niveau attendu ce qui a une importance primordiale (Bourigeaud, Gouiri, Terrier, Theate...). Reste que ce mercato d'été n'avait pas dissipé les interrogations sur le non-remplacement de Jérémy Doku par exemple par un profil similaire ou sur la qualité de la défense, une faiblesse pointée du doigt depuis un moment.
"Je ne doute pas de la défense et je pense qu'on va être plus solide à ce niveau-là", prophétisait Maurice début septembre. Les faits lui donnent torts. Des erreurs individuelles parfois grossières ont jalonné et plombé la saison rennaise. Les huit défenseurs actuels de l'effectif ont une moyenne d'âge d'à peine plus de 21 ans et suscitent des doutes légitimes. Le club s'est-il leurré sur leur niveau? Rennes a bien cherché activement des renforts d'expérience mais n'a-t-il pas visé trop haut en tentant des joueurs inaccessibles pour un club de la dimension actuel du Stade rennais (Savic, Lenglet, Nelsson, Morato…)? C'est peut-être aussi une leçon à tirer. Rennes et son environnement ne sont pas aussi attractifs qu'ils espèrent l'être pour cette catégorie de joueurs, l'exemple du départ de Matic vers Lyon et l'OL en étant la preuve cinglante.
Si beaucoup semblent vouloir se payer la tête de Florian Maurice, dans le bilan officiel à venir, il ne faudra pas exonérer de responsabilités le président Olivier Cloarec qui se montre solidaire de Maurice rappelant que les deux hommes travaillent de concert, mais aussi Bruno Genesio. L'ancien coach rennais a sans doute une part de responsabilité non négligeable dans la tournure de la saison. La constitution de l'effectif par Florian Maurice et Olivier Cloarec répond aussi en grande partie à ses demandes dans les profils des joueurs recrutés. Bruno Genesio qui en outre se posait des questions déjà en fin de saison dernière sur son énergie et sa volonté de continuer après un peu plus de deux années réussies. Le péché originel se trouve peut-être en partie là, dans le fait de ne pas avoir senti qu'un cycle avec lui était en train de se terminer.
Vers un statu quo à la tête du club
Et maintenant? "Le plus important c'est de rebondir", pouvait-on entendre dans les couloirs du Roazhon Park dimanche. La suite se fera avec Julien Stephan arrivé en novembre pour "relever le club" comme il aime à le rappeler sans objectif annoncé de classement. Stephan prend toujours bien soin de préciser qu'il a pris la saison en cours de route alors que Rennes était 13e pour mieux défendre ses résultats. Avec lui, de la 16e à la 34e journée, Rennes est la 6e équipe de Ligue 1, la 4e attaque et la 7e défense. Grâce à deux mois de janvier et février marquants, le Stade Rennais a repris vie et espoir, Stephan gagnant aux yeux des dirigeants le droit de continuer.
L'annonce de sa prolongation de contrat jusqu'en 2026 intervient le 25 mars dernier. Depuis cette annonce, l'équipe rennaise a perdu de son rendement. Hasard ou non? L'officialisation a-t-elle été trop précoce alors que rien ne la pressait? La direction voulait envoyer un message de clarté pour l'avenir. Peut-être a-t-elle au contraire envoyé le signal au groupe que le plus dur était fait après être revenu dans la course aux places européennes amenant une décompression et entrainant des matchs sans vie et des défaites piteuses à Strasbourg et face à Toulouse. C'est une piste que les dirigeants rennais n'excluent pas.
Stephan sera donc l'entraineur du Stade Rennais la saison prochaine et rien ne semble indiquer à ce jour d'autres changements. Florian Maurice et Olivier Cloarec devraient eux aussi continuer, preuve que l'actionnaire François Pinault, seul vrai décideur sur ces questions, leur maintient sa confiance malgré les objectifs non tenus.
Doué, Kalimuendo et d'autres sur le départ
Avec quel effectif? Sans Europe, Rennes va-t-il perdre gros en attractivité? "Comment ont fait Lyon, Monaco ces dernières saisons?" répond Julien Stephan. "Si on veut pouvoir se battre avec ces clubs, il faut être capable même sans Europe de garder nos bons joueurs et d'en attirer sinon ça va être compliqué de lutter. Garder une attractivité et des moyens financiers importants, ce sera notre enjeu."
Sauf que Rennes n'est ni Lyon ni Monaco. Des départs potentiellement nombreux sont à prévoir, certains quasi actés comme Désiré Doué, très convoité, ou Arnaud Kalimuendo. Adrien Truffert ou Arthur Theate ont déjà fait l'objet d'approches concrètes lors des précédents mercatos. Pas de sujet en revanche pour Martin Terrier, nous dit-on au club. Enzo Le Fée lui-aussi restera rennais. Quid de Gouiri? Ou de Benjamin Bourigeaud, au club depuis 2017 et qui pourrait s'interroger si des offres intéressantes de l'étranger arrivaient? Mais y aura-t-il des offres à la hauteur? Pour les arrivées, Stephan a déjà son idée sur les profils pour "pallier les manques qu'on a pu voir cette année avec plus d'expérience, plus de maturité, plus de puissance aussi le tout en gardant la qualité technique comme base essentielle". Le travail des prochains mois s'annonce intense pour le Stade Rennais. Rennes le sait. Il sera attendu au tournant.