Reprise à Vienne des discussions sur le nucléaire iranien

par Fredrik Dahl et Parisa Hafezi VIENNE (Reuters) - Les négociations nucléaires entre les grandes puissances et l'Iran ont repris mardi à Vienne dans un contexte compliqué par la crise ukrainienne, qui a renforcé les tensions entre la Russie et les pays occidentaux. L'unité du "groupe P5+1" impliqué dans les pourparlers avec Téhéran - Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne - est mise à l'épreuve par la plus grave confrontation entre Moscou et les Occidentaux depuis la Guerre froide. Les discussions préparatoires entre experts qui ont eu lieu il y a dix jours ne semblent cependant pas avoir été affectées par le bras de fer sur la Crimée et les négociations formelles, qui ont débuté vers 10h30 locales et s'étendront probablement jusqu'à mercredi soir, se déroulent également normalement, a assuré le porte-parole de l'Union européenne, Michael Mann. "Je n'ai vu aucun effet négatif", a-t-il déclaré. "Nous continuons à travailler de manière unie." Les négociations sont dirigées par la haute représentante de l'UE pour la politique étrangère, Catherine Ashton, au nom des grandes puissances. La délégation russe est présidée, comme lors des sessions précédentes, par le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov. L'Union européenne et les Etats-Unis ont imposé lundi des sanctions à l'encontre d'un certain nombre de personnalités russes et ukrainiennes pour protester contre le vote de la péninsule en faveur d'un rattachement à la Russie. Entre 2006 et 2010, la Russie et la Chine ont voté avec les Occidentaux au Conseil de sécurité des Nations unies quatre trains de sanctions contre Téhéran pour tenter d'obtenir en vain l'arrêt par l'Iran de ses activités d'enrichissement de l'uranium. Téhéran dément chercher à se doter de l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil, comme l'en accusent Israël et les Occidentaux. LIGNE ROUGE En novembre dernier, l'Iran et le groupe P5+1 ont conclu un accord intérimaire prévoyant l'arrêt par Téhéran de ses activités nucléaires les plus sensibles en échange d'une levée limitée de certaines sanctions. Cet accord de Genève a ouvert une période de six mois durant laquelle les parties impliquées doivent tenter de parvenir d'ici juillet à un règlement définitif du contentieux qui oppose l'Iran et les Occidentaux depuis plus de dix ans. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui conduira la délégation iranienne à Vienne, a dit s'attendre à des discussions plus difficiles cette semaine que lors de l'ouverture des pourparlers à la mi-février, car les deux parties devront trouver un terrain d'entente sur des points d'achoppement comme le réacteur à eau lourde d'Arak ou le niveau d'enrichissement de l'uranium. Selon l'agence de presse iranienne IRNA, Mohammad Javad Zarif a annulé lundi soir le dîner traditionnellement prévu à la veille de l'ouverture des discussions en raison du comportement "non diplomatique" de Catherine Ashton lors de sa visite il y a 10 jours à Téhéran, où elle avait rencontré des militants des droits de l'homme. Selon un haut responsable iranien, le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, a néanmoins donné carte blanche aux négociateurs pour apporter aux Occidentaux des garanties sur le caractère purement civil du programme nucléaire de Téhéran. "Mais la ligne rouge est la fermeture de tout site nucléaire et l'arrêt de l'enrichissement", ajoute ce responsable. "Les discussions vont devenir de plus en plus difficiles car les faucons à Téhéran surveillent de très près les discussions", dit-il par allusion aux conservateurs, puissants au sein du clergé et de l'appareil de sécurité, et très méfiants vis-à-vis de la politique d'ouverture engagée par le président Hassan Rohani depuis sa prise de fonction en août 2013. L'enjeu des négociations, résume un haut responsable américain, est de "s'appuyer sur le travail de nos experts, réduire les divergences, prendre des décisions difficiles sur les points de désaccord". (Avec Justyna Pawlak et Louis Charbonneau à Vienne; Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)