Reprise du dialogue entre Kaboul et les taliban après le ramadan

par Kay Johnson ISLAMABAD (Reuters) - Les négociateurs du gouvernement afghan et des taliban ont convenu de se rencontrer à nouveau après le ramadan, a annoncé mercredi le Pakistan qui accueillait les premières discussions de paix formelles entre les deux parties. La rencontre s'est déroulée mardi à Murree, dans la banlieue d'Islamabad. Les Etats-Unis et la Chine avaient envoyé des observateurs, a précisé le ministère pakistanais des Affaires étrangères dans un communiqué. Le mois de jeûne musulman s'achève cette année à la mi-juillet. De sources proches des discussions, on déclare que la prochaine séance de pourparlers est pour l'instant programmée à Doha, au Qatar, les 15 et 16 août prochains. "Les participants ont convenu de poursuivre les discussions pour créer un climat propice à la paix et au processus de réconciliation", dit le communiqué du ministère pakistanais. La tenue de ces pourparlers a été annoncée mardi par le président afghan Ashraf Ghani, qui est favorable au processus de paix et à un rapprochement entre Kaboul et Islamabad. Pour le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, ces discussions constituent une "percée". "Ce processus doit réussir", a-t-il dit. Dans des commentaires diffusés par ses services, Nawaz Sharif prévient cependant que ces discussions seront difficiles et que les pays voisins de l'Afghanistan et la communauté internationale devront veiller à ce que "personne n'essaie de faire dérailler le processus". DIVISIONS La Maison blanche a salué la mise en place de ce dialogue, qualifié de "pas important pour faire avancer la perspective d'une paix crédible". La Chine, par la voix de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying, a déclaré soutenir le processus et être en contact avec toutes les parties. Au cours des derniers mois, des discussions préliminaires ont eu lieu officieusement entre Kaboul et les insurgés islamistes, en guerre depuis plus de treize ans contre le gouvernement afghan. Mais la rencontre de mardi constituait la première séance officielle de négociations. Le porte-parole officiel des taliban a désavoué les précédentes discussions entre les islamistes et le gouvernement afghan, déclarant que les émissaires des insurgés n'étaient pas habilités à parler au nom du mouvement. Selon le communiqué pakistanais, les participants à la réunion de mardi "étaient dûment mandatés par leurs directions respectives", mais on ignore quelle direction des taliban s'est prononcée, car les divisions entre insurgés sont profondes. Le chef politique des taliban Akhtar Mohammad Mansour est favorable à la négociation mais le commandant militaire Abdul Qayum Zakir, un ancien détenu de Guantanamo, s'oppose à tout dialogue avec Kaboul. Le Pakistan a promis ces derniers mois de faire pression sur les chefs taliban, dont beaucoup se trouveraient sur son territoire, pour qu'ils acceptent de s'asseoir à la table des négociations. En février, Islamabad a réclamé que Mansour et Zakir se mettent d'accord sur les discussions. Zakir étant suivi par plusieurs milliers de combattants dans l'est de l'Afghanistan, on voit mal comment un quelconque cessez-le-feu, l'une des requêtes prioritaires de Kaboul, pourrait tenir sans son aval. A cela s'ajoutent la menace représentée par la défection de plusieurs chefs taliban, qui ont prêté allégeance à l'organisation Etat islamique. Le chef suprême des taliban, le mollah Mohammad Omar, n'a toujours pas dit un mot concernant le processus de dialogue, mais certains commandants insurgés se demandent à voix haute s'il est toujours vivant, lui qui n'est plus apparu en public depuis la chute des "étudiants en religion" en 2001. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)