Pour sa rentrée politique, Gérald Darmanin organise à Tourcoing une « saucisse-frites » très politique

Gérald Darmanin photographié lors de son déplacement à Nîmes vendredi 25 août (illustration)
Gérald Darmanin photographié lors de son déplacement à Nîmes vendredi 25 août (illustration)

POLITIQUE - Tout le monde en parle. Ce dimanche 27 août, dans son fief de Tourcoing dans le Nord, Gérald Darmanin réunit ses proches pour une rentrée (très) politique avec 2027 dans le viseur. Certes, pour le moment, le ministre de l’Intérieur, qui se voyait bien promu à Matignon à la faveur du dernier remaniement, ne laisse que des indices sur ses ambitions qui ne sont, en réalité, un secret pour personne. Encore moins en Macronie.

Dans l’été, celui qui a été adoubé par Nicolas Sarkozy, dont il fut le porte-parole, a franchi un pas supplémentaire vers l’émancipation. « Ce qui m’intéresse, ce n’est plus de regarder ce qu’il s’est passé en 2017 et 2022. Ce qui m’inquiète maintenant c’est ce qui se passera en 2027 », a assumé dans Le Figaro Gérald Darmanin, qui ne se refuse rien pour marquer son affranchissement, comme l’invitation de députés ayant voté la motion de censure contre Élisabeth Borne, à l’image de l’élu LR de l’Aisne Julien Dive, qui participera à l’événement au côté d’une poignée d’élus du parti de droite.

France populaire

Le message, un brin irrévérencieux, a été reçu cinq sur cinq dans la majorité. Au point que le chef du parti présidentiel, Stéphane Séjourné, s’est senti obligé de répliquer dans Le Parisien le 24 août. « Notre responsabilité à tous est d’éviter de bâtir des chapelles et de reconstruire des clans ou des écuries politiques », a prévenu l’eurodéputé, appelant le camp macroniste à « faire pack » autour du chef de l’État et en rappelant que « les idées doivent d’abord passer avant les ego ».

Reste que, chapelle ou non, plusieurs ministres participeront à cette sauterie saucisse-frites, qu’ils soient issus de la droite comme Sébastien Lecornu, ou de la gauche, comme Olivier Dussopt. « Pour apparaître présidentiable, il faut réussir à faire deux choses : montrer qu’on sait tenir un rapport de force (ce qu’il a fait en soutenant le directeur de la police nationale pendant la grogne des policiers) et démontrer qu’on a des troupes. Ce qu’il s’apprête à faire dimanche », décrypte auprès du HuffPost un communicant macroniste. Après avoir affirmé qu’elle était « bien occupée » et qu’elle n’irait pas à Tourcoing, Élisabeth Borne a fait savoir qu’elle serait à Tourcoing ce dimanche, et Gérald Darmanin a assuré qu’elle y était invitée.

Une centaine de parlementaires attendus

Au total 400 personnes, parmi lesquelles 90 parlementaires, sont attendues à ce rendez-vous placé sous le signe de la France populaire, le mantra de ce ministre qui appelait la Macronie à faire « moins de visios et plus de bistrots » à la sortie de la crise du Covid. Parmi les élus présents, le député de l’Hérault Patrick Vignal, pourtant issu des rangs du PS.

« C’est l’un des rares dans notre camp à sentir les gens, à considérer les élus à leur juste valeur, à avoir une vraie fibre sociale et populaire. Il est habité par sa mission, il travaille H24, il répond à tout le monde, il n’a pas besoin de lunettes pour voir et comprendre le pays », s’enthousiasme auprès du HuffPost l’élu sudiste, qui n’hésite pas à comparer Gérald Darmanin au communiste Fabien Roussel.

« Quelque part, ce sont les mêmes : ils savent parler aux gens et expliquer leurs problèmes, alors que les technocrates ne connaissent pas la langue du peuple. Ils comprennent tous les deux qu’il faut réparer les fractures de la société, souder les gens au lieu de les diviser et s’occuper des plus faibles », enchaîne Patrick Vignal. Un discours qui ne manque pas d’agacer au sein de l’exécutif.  « Opposer le peuple aux élites, c’est non seulement populiste, mais c’est dangereux », soupire un conseiller gouvernemental, pour qui « la technicité est essentielle dans un moment où la France est prise dans des sujets extrêmement complexes ».

« Je ne suis pas un technicien »

C’est pourtant bien le chemin que compte emprunter Gérald Darmanin. « Il ne faudrait pas que l’on remette notre avenir entre les mains de la technique et des techniciens en utilisant des mots que les Français ne comprennent pas toujours. On doit parler avec le cœur, pas avec des statistiques », a-t-il déclaré au Figaro dans une pique, à peine voilée, à Élisabeth Borne, souvent décrite par ses détracteurs macronistes comme une « techno » sans intuition politique ni fibre populaire.

Rebelote vendredi 25 août dans La Voix du Nord. « Je me sens parfois frustré quand on veut cantonner un ministre dans un rôle de technicien. Je ne suis pas un technicien, j’ai un avis politique », lâche Gérald Darmanin qui assure avoir obtenu l’aval d’Emmanuel Macron pour pouvoir publiquement exprimer sa « sensibilité ». Alors il ne se gêne pas, dès cet entretien au quotidien nordiste : «  Ce qui n’allait pas dans la réforme des retraites, c’est qu’on demandait aux femmes seules avec plusieurs enfants de travailler plus dans les conditions actuelles », fait-il entendre, entre autres démarcations à peine voilées vis-à-vis de Bruno Le Maire, son probable concurrent en 2027.

Pour autant, tout pré-candidat qu’il est, l’intéressé n’en est pas moins rattrapé par les impératifs de son ministère. Le même jour, il était attendu à Nîmes, où la mort violente de Fayed, un enfant de 10 ans, sur fond de trafic de drogues a non seulement provoqué des représailles sanglantes entre bandes rivales, mais a également jeté une lumière crue sur l’échec de l’État face à ce fléau.

Ciblé par les oppositions sur le sujet, le ministre a donc rendossé son costume préféré : celui de premier flic de France. À son arrivée dans la cité romaine, le climat est particulièrement lourd. Tout sourire en débarquant à l’Hôtel de Police, Gérald Darmanin est comme un poisson dans l’eau au milieu des forces de l’ordre.

Bain de foule

Malgré le retard dans son agenda, il prend quelques minutes pour discuter avec un homme d’une soixantaine d’années, venu porter plainte pour le vol de son scooter. Un acte dont les multiples bandages qu’il porte sur son corps indiquent le caractère violent. Regard compatissant à la victime. Coup d’œil en biais en direction des journalistes qui suivent la scène derrière les vitres du commissariat.

Sans prévenir la presse — exceptée BFMTV qui fournira les images qui rappelleront les grandes heures de son mentor Nicolas Sarkozy — Gérald Darmanin file à la cité Pissevin pour rendre visite à la famille du jeune Fayed, sans que cela ne figure au programme. « Il ne pouvait pas l’annoncer, sinon ça aurait été le cirque. Après, c’est sûr que ça a été nettoyé avant son arrivée, mais s’il n’y va pas, on dira que c’est un péteux. Il a raison d’y aller », souffle un élu sur place.

Après une intervention millimétrée — presque « technicienne »- face aux journalistes réunis dans la cour de la Préfecture de Nîmes, Gérald Darmanin s’éclipse, pressé par son équipe qui l’invite à s’engouffrer dans sa voiture. Puis, à la vue des badauds qui le saluent amassés sur l’avenue Feuchère, il ne résiste pas à la tentation du bain de foule improvisé, au grand dam de son équipe de sécurité. Quelques mètres en retrait, Patrick Vignal, député d’un département voisin mais qui a fait le déplacement pour l’occasion, savoure : « il est bon hein ? ». On croirait l’entendre parler d’un candidat.

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