Pour sa rentrée politique, Darmanin se fait voler la vedette par Borne, venue demander « résultats » et « unité »

French Interior Minister Gerald Darmanin (R) applauds French Prime Minister Elisabeth Borne as they sing La Marseillaise, the national anthem of France, during an "afternoon of discussion" on "the expectations of the working classes" at the Botanical Garden in Tourcoing, northern France, on August 27, 2023. (Photo by FRANCOIS LO PRESTI / AFP)
French Interior Minister Gerald Darmanin (R) applauds French Prime Minister Elisabeth Borne as they sing La Marseillaise, the national anthem of France, during an "afternoon of discussion" on "the expectations of the working classes" at the Botanical Garden in Tourcoing, northern France, on August 27, 2023. (Photo by FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

ANALYSE - Ce devait être un lancement d’écurie en vue de 2027, c’est devenu un recadrage en direct. En s’invitant à la dernière minute à la rentrée politique de son ministre de l’Intérieur, Élisabeth Borne l’a emporté à l’applaudimètre d’un parterre d’élus venus soutenir Gérald Darmanin et ses désirs d’affirmation.

Ce dimanche 27 août, sous le soleil de Tourcoing, l’ex-Sarkozyste organisait sa première rentrée politique, analysée comme une volonté de prendre de court ses adversaires putatifs pour 2027 et décidée juste après son échec à remplacer Élisabeth Borne à Matignon lors du dernier remaniement fin juillet. Cela a finalement sonné comme la réponse de la bergère au berger.

Darmanin bafouille et dresse des constats

Lors d’un discours monotone entièrement consacré aux catégories populaires et sans formuler de proposition concrète sur le sujet, Gérald Darmanin n’a pas soulevé le millier de partisans pourtant réunis pour lui dans la ville dont il a été élu maire en 2014 et en 2020. Lui qui jurait pourtant devant les caméras en arrivant que cette initiative n’avait « pas d’autre dynamique que celle des idées », il a surtout vanté le bilan d’Emmanuel Macron et de la majorité depuis six ans.

Dressant des constats : « les gens ordinaires n’ont pas de résidence secondaire » ou « l’école où l’autorité est moins forte qu’avant ». Bafouillant par moments, il regrette que « le patron ne fasse plus le tour des ouvriers en arrivant » et estime qu’il « faut rapprocher les gens des décisions, même si ça peut paraître démagogique ».

« Pour que la France reste la France »

Preuve de l’improvisation − ou de la déstabilisation −, il laisse même échapper à la fin une reprise du slogan de campagne d’Eric Zemmour « pour que la France reste la France » − déjà emprunté à Éric Ciotti − pas prévue dans son discours, ou un « comme quand sa maman nous demande quelque chose », à propos de la posture d’écoute que les politiques devraient adopter. Improvisé, là encore.

À l’inverse c’est une Borne, une fois n’est pas coutume, tout sourire qui prend la parole en conclusion, comme pour mieux souligner l’ordre protocolaire, et qui vient corriger sa copie. « Mes chers amis, je n’avais pas vraiment prévu de passer ce dernier week-end d’août à Tourcoing, mais invitée par Gérald, je suis ravie d’être là pour passer quelques messages », prévient d’emblée la Première ministre, plus que jamais dans son rôle de cheffe de la majorité.

« Un événement informel » selon Borne

Elle promet de ne pas être longue car « c’est un événement informel », minimise-t-elle, « je sais que vous avez déjà beaucoup travaillé et que l’apéritif nous attend ». Premiers rires dans l’assistance que Darmanin n’a pas obtenus. Concurrence sur le plan de la saucisse-frite qu’il proposait à l’heure du déjeuner.

À l’inverse de son ministre qui devait prendre toute la lumière, elle livre une vision plus personnelle de son rapport au peuple. « Gérald, comme beaucoup d’entre nous ici nous connaissons les difficultés des Français pour les avoir vécues. Je sais que c’est la République qui m’a aidée alors que j’étais fille d’immigrés et qui m’a fait pupille de la nation ». « Sans cela, je n’aurais jamais été où je suis. J’ai une reconnaissance infinie pour la République et je veux que chaque Français, d’où qu’il vienne, puisse se dire qu’en France grâce à la République et à son travail tout est possible ». Applaudissements nourris.

Borne fait applaudir Le Maire

Elle se paie même le luxe de faire applaudir Bruno Le Maire, potentiel candidat à la succession d’Emmanuel Macron avec qui Gérald Darmanin avait commencé à prendre ses distances dans la Voix du Nord vendredi dernier, arguant qu’ils n’avaient « pas la même sensibilité ». « Je crois que nous pouvons tous ici saluer la politique économique menée depuis six ans, sous l’autorité d’Emmanuel Macron, de Bruno Le Maire ». Habile. Et d’enchaîner sur un appel à l’unité : « La majorité avance d’un bloc depuis 6 ans, tient bon, même dans les tempêtes, n’est jamais empêchée, car elle est animée par le fait de donner des solutions aux Français ».

Elle demande dans la foulée publiquement à son ministre de l’Intérieur qui voulait justement élargir ses prises de paroles à « tous les sujets », de se concentrer sur sa tâche et de produire « des résultats ». Et de s’appuyer, une fois n’est pas coutume là encore, sur sa terre d’élection, comme pour concurrencer le ministre qui se présente souvent comme l’un des plus ancrés et proche du peuple. « Je l’entends à chaque fois dans ma circonscription du Calvados : que les délinquants doivent être sanctionnés et que l’impunité les révolte ». « Les moyens engagés doivent permettre de rendre cette politique efficace et de produire des résultats », poursuit la locataire de Matignon, dans une référence à peine voilée aux 15 milliards d’euros sur cinq ans attribués à la police en 2022 et à la hausse historique du budget de la Justice.

« Le temps devant nous doit être entièrement consacré à l’action pour produire des résultats. C’est comme cela que nous combattrons les extrêmes », conclut la Première ministre dans un
ultime recadrage envers celui qui prédisait, toujours dans La Voix du Nord, une victoire « probable » de Marine Le Pen en 2027.

En préambule de son intervention, Gérald Darmanin définissait ainsi la politique : « Écouter les avis, les sentiments, les états d’esprits. » Lui qui pensait donner une leçon de politique aux « technos » du gouvernement, c’est finalement Borne qui lui en a infligé une. Jusqu’à la prochaine ?

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