"Un bâton de dynamite": comment Renaissance peut empêcher un vote sur l'abrogation de la retraite à 64 ans

Les députés macronistes hésitent entre aller au vote le 8 juin sur la proposition de loi du groupe Liot abrogeant la réforme des retraites ou torpiller le texte pour s'éviter un revers politique majeur.

Tuer dans l'œuf la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans? C'est une idée qui monte au sein du groupe Renaissance. De plus en plus de députés du camp présidentiel suggèrent d'utiliser l'article 40 de la Constitution pour empêcher tout débat le 8 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

L'article 40, nouvelle arme des macronistes?

Puisqu'elle crée 15 milliards d'euros de charges publiques supplémentaires, cette proposition de loi est "inconstitutionnelle", a jugé sur le plateau de LCP Charles Sitzenstuhl ce lundi. Il a affirmé qu'il plaidera auprès de son groupe pour que les macronistes utilisent l'article 40 de la Constitution.

Cet article permet aux parlementaires de questionner la recevabilité financière d'un texte. "Il interdit toute création ou aggravation d’une charge publique et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource", explique le site de l'Assemblée nationale.

"Jamais je n'ai vu une proposition de loi où on a opposé l'article 40 [de la Constitution sur la recevabilité financière]", a rétorqué Bertrand Pancher, président du groupe Liot et signataire du texte. "Cette hypothèse reviendrait, selon lui, à allumer "un bâton de dynamite".

Dans un communiqué, ce dernier a d'ailleurs rappelé que la proposition "a été jugée recevable au titre de l'article 40 de la Constitution par le Bureau de l'Assemblée le 25 avril."

Si revenir en arrière reste techniquement possible, cette décision revient, selon le règlement de l'Assemblée nationale, au président de la commission des Finances, l'insoumis Eric Coquerel. L'utilisation de l'article 40 est donc peu probable.

Obstruction et vote bloqué

En plus de l'article 40, le gouvernement et la majorité présidentielle disposent toutefois de nombreux outils dans le réglement de l'Assemblée nationale et la Constitution pour ralentir considérablement les débats. Et empêcher un vote, si jamais la proposition de loi n'était pas examinée en totalité avant minuit, le texte étant débattu dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Liot.

Au micro de France Inter, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé a prévenu qu'il serait décidé "collégialement" cette semaine si ses collègues feront de l'obstruction ou non. Une obstruction qui pourrait passer par le dépôt de centaines d'amendements, par exemple.

"On est tous très embêtés. On a dénoncé l'obstruction de La France insoumise pendant les débats sur la réforme des retraites et on ferait pareil? Je ne suis pas certain que ce soit vraiment la bonne solution", grince un député de la majorité auprès de BFMTV.com.

"Se demander ce qui est le pire"

L'exécutif pourrait aussi, comme au Sénat, s'appuyer sur la technique du vote bloqué, prévue dans l'article 44.3 de la Constitution: un texte serait soumis au vote, mais seulement avec les amendements choisis par le gouvernement.

"Il faut se demander ce qui est pire: l'adoption du texte qui nous mettrait dans une sacrée panade politique ou assumer de bloquer le vote, quitte à se faire moucher quelques jours dans les médias? Je penche pour la seconde réponse", ajoute encore un cadre du groupe macroniste.

Le gouvernement et la majorité présidentielle pourraient aussi s'appuyer sur des alliés de circonstance: le groupe Les Républicains au Sénat. Au micro de BFMTV, Bruno Retailleau a prévenu: si la proposition de loi Liot est adoptée, "elle ne passera pas" au Sénat.

Enterrera-t-il la proposition si elle est votée à l'Assemblée nationale? "Bien sûr", répondait le leader de la droite au Palais du Luxembourg. "Les choses sont claires", prévenait-il.

Article original publié sur BFMTV.com

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