Vers un remaniement ? Les trois scénarios qui s’offrent à Emmanuel Macron pour le poste de Premier ministre

Le président de la République va-t-il remercier Élisabeth Borne, à l’approche du 14 Juillet ? Qui pour la remplacer ? D’autres options s’offrent à lui, mais elles sont limitées.

Remaniement un peu, beaucoup, à droite toute ou en marche arrière ? L’hypothèse de changements au gouvernement est plus que jamais au centre des discussions, alors que se rapproche l’échéance du 14 juillet fixée par le président de la République pour « faire un premier bilan » après les 100 jours « d’apaisement » qu’il a promis après la réforme des retraites. Encore faut-il savoir dans quel sens remanier.

« Emmanuel Macron a envie d’un changement de Première ministre », confiait un ministre de poids devant des journalistes dont Le HuffPost début juin. Le scénario d’un remplacement d’Élisabeth Borne figure depuis des mois en bonne place dans les pronostics politiques. Toujours à tort, jusqu’à présent.

« Macron a envie d’un changement de Première ministre » - Un ministre de poids

Néanmoins, le timing actuel pourrait s’y prêter : un changement de Premier ministre permettrait de tourner la page, au moins de façon symbolique, de la difficile séquence de la réforme des retraites incarnée par Élisabeth Borne. Aussi, Emmanuel Macron pourrait en profiter pour trouver ce « second souffle », selon l’expression consacrée, qui manque depuis sa réélection. Sauf que : « Le président sait aussi que les conditions politiques ne sont pas réunies. Il faudrait quand même habiller cette décision d’une nouvelle donne politique, or elle n’existe pas encore » souffle le ministre. Sans oublier la question la plus épineuse : « Pour mettre qui ? Le banc de touche n’est pas pléthorique ». « Pas pléthorique », ou un léger problème de « ressources humaines » auquel le président de la République fait face depuis sa première élection en 2017. Voilà les trois options qui s’offrent à lui.

La carte Borne 3

Élisabeth Borne l’a redit dimanche 12 juin sur France 3 : le président de la République et elle « travaillent en confiance ». Assez pour qu’Emmanuel Macron la maintienne à son poste en cas de remaniement ? En un an à Matignon, la Première ministre a affronté au moins autant de motions de censure - 17, pour rappel - que de rumeurs de remaniement. Elle est pourtant toujours là. « Elle est solide, elle l’a prouvé » analyse un poids lourd de la Hollandie quand un maire venu de la droite confie : « J’aime bien Borne, je ne suis pas sûre que quelqu’un puisse faire mieux qu’elle. »

« J’aime bien Borne, je ne suis pas sûre que quelqu’un puisse faire mieux qu’elle. » - Un maire venu de la droite

De l’avis de beaucoup, ce n’est plus tant la Première ministre qui pose problème que ses ministres jugés transparents ou encombrants. Un socialiste pointe un gouvernement « dépourvu de noyaux durs », quand le ministre cité plus haut n’hésite pas à parler de « ministres faibles » à remplacer « avant l’été ». « Prenez Pap Ndiaye, je l’aime beaucoup, mais pourquoi ne l’a-t-on pas vu faire un 20 Heures après l’affaire Lindsay ? On ne sait pas ce qu’il pense, ce qu’il a dit, personne ne retient rien. Et sur le harcèlement scolaire, on entend plus Brigitte Macron que le ministre de l’Éducation ! », égratigne cette source. La question se pose aussi pour le ministre de la Santé François Braun, son ministre délégué Jean-Christophe Combe ou encore Franck Riester, à la tête des Relations avec le Parlement. Sans parler de l’affaire Schiappa sur le fonds Marianne qui empoisonne l’exécutif.

Si Élisabeth Borne est confirmée à son poste, le président de la République et elle peuvent opter pour un remaniement a minima, peut-être en réduisant les effectifs, afin de corriger ce que certains qualifient « d’erreurs de casting ». La bonne recette pourrait être de choisir cette fois des politiques expérimentés ... en politique, en rupture avec la société civile chère au président. Élisabeth Borne a fait passer une fiche de poste dans une interview au Figaro le 15 juin : « avoir la vision, la capacité à diriger leur administration », « porter des textes au Parlement » et « échanger régulièrement avec les députés et les sénateurs. ».

Le virage à droite

Après un an de législature dans la douleur faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron peut tenter une ultime opération séduction des députés LR en choisissant un Premier ministre issu de leurs rangs. C’est en tout cas le conseil que lui a donné Nicolas Sarkozy reçu à l’Élysée le 6 juin dernier : « Quand la France penche à droite, il faut nommer un Premier ministre de droite », a soufflé l’ancien dirigeant, selon des propos rapportés par L’Express.

Les noms ne manquent pas : Gérald Darmanin, Gérard Larcher, Éric Ciotti, Xavier Bertrand, ou pourquoi pas un inconnu de la même famille, comme Jean Castex ou Édouard Philippe avant leur arrivée rue de Varenne.

Très ferme, le député des Alpes-Maritimes à la tête de la maison droite estime, le 14 juin sur franceinfo, que « la question ne se pose pas ». Le président du Sénat a lui fait savoir dès le mois de mai qu’il « refuserait clairement » faute d’avoir « un contrat passé » avec Emmanuel Macron. Xavier Bertrand assure dans le Monde qu’il n’a pas été approché et que son nom ne circule que « pour brouiller les pistes».

Officiellement, les cadres LR se tiennent à distance. Officieusement, le positionnement du parti vis-à-vis d’Emmanuel Macron n’est pas si net. « La droite est dans une logique schizophrène vis-à-vis de Macron. Est-ce qu’on doit faire avec ou sans lui ? On ne tranche pas », rapporte un député LR sous couvert d’anonymat. Le même s’avance : « Éric (Ciotti), Louwagie (Véronique Louwagie, députée de l’Orne) et les autres, on les appelle, ils y vont. C’est une certitude absolue ».

« La droite est dans une logique schizophrène vis-à-vis de Macron. Est-ce qu’on doit faire avec ou sans lui ? On ne tranche pas. » - Un député LR

Du côté d’Emmanuel Macron, choisir un Premier ministre issu des Républicains n’est pas non plus sans risque. Primo, une telle alliance n’a d’intérêt que si la personnalité choisie est capable d’emmener suffisamment de députés LR pour constituer une majorité susceptible de faciliter la vie des députés du camp présidentiel à l’Assemblée nationale. Segundo, est-il vraiment judicieux de grappiller quelques députés à droite pour en perdre dans son propre camp ? Car c’est l’avertissement passé par l’aile gauche macroniste. « On ne peut pas envisager (choisir un Premier ministre chez LR, NDLR) et croire que tout se passera normalement ensuite au sein de la majorité », a mis en garde l’ancienne ministre Barbara Pompili dans le JDD le 12 juin. Deux jours plus tard dans Le Figaro, le président du MoDem allié sonnait la même alerte : « Si on choisissait de décentrer la majorité pour la tirer d’un côté ou de l’autre, il y aurait de grands risques de perte de cohérence », souligne le centriste qui appelle Emmanuel Macron à conserver « son ADN ».

Le retour des anciens

Se fier à sa base sûre. Voilà la troisième option dont dispose Emmanuel Macron s’il décide de remanier. Et un nom revient un plus que d’autres : Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture reconverti dans le privé depuis mai 2022. « Julien, il coche les cases. Il est efficace, smart. Et Kohler l’adore », glisse un habitué du Palais qui le juge « dans la ligne politique ». Un seul bémol selon lui : Denormandie, discret, n’est « pas très bon en com’. »

Est parfois cité Richard Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale, en retrait depuis sa défaite aux dernières élections législatives. L’affaires des Mutuelles de Bretagne dans laquelle il est mis en examen pour prise illégale d’intérêts a longtemps constitué un point noir sur son CV de Premier ministrable. Mais depuis la prescription confirmée par la Cour de Cassation en octobre 2022, le revoilà presque hors de cause.

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