Remaniement : le macroniste de gauche, une espèce toujours plus menacée après les dernières nominations
POLITIQUE - L’aile à la découpe. Complété par la dernière vague de nominations, jeudi soir, le gouvernement s’est retrouvé ce samedi 10 février à Matignon pour un séminaire autour du Premier ministre Gabriel Attal. L’heure de se compter, pour les différentes chapelles du camp macroniste.
Après un délai d’attente interminable (un mois entre l’annonce des deux listes de ministres) les principaux équilibres semblent respectés. La dernière mouture a effectivement permis au couple exécutif de rassasier leurs alliés, le MoDem et Horizons, et de donner des gages à ceux qui trouvaient la première salve bien trop francilienne. Les principaux, sauf un.
Toute la séquence du remaniement, du renvoi d’Élisabeth Borne aux dernières nominations en passant par la déclaration de politique générale de Gabriel Attal, montre que la gauche est réduite à la portion congrue, en personnalités et en idées. Et dans le dispositif gouvernemental, c’est flagrant.
Tendance en souffrance
Alors que le pôle des ministres issus de la droite a été rapidement confirmé, Bruno Le Maire à l’Économie, Sébastien Lecornu aux Armées, Gérald Darmanin à l’Intérieur, renforcés, même, par l’arrivée de plusieurs figures sarkozystes, Rachida Dati à la Culture, l’aile gauche n’a pas connu le même sort. Loin de là.
Celles et ceux qui pouvaient incarner le pendant à ce « pack » influent ont été pour la plupart remerciés. Exit Olivier Véran et Olivier Dussopt, deux anciens socialistes. Renvoyée, aussi, Rima Abdul Malak, une des frondeuses sur la loi immigration. Même Clément Beaune, sans doute le ministre plus prompt à mettre en avant sa pensée sociale-démocrate, n’a pas résisté. Compagnon de route du président de la République depuis plus de dix ans, il est prié de quitter les Transports.
Du côté des entrants, un macroniste influent aurait pu reprendre le flambeau de cette aile gauche atrophiée. Sacha Houlié, ancien membre du PS, soutien d’Emmanuel Macron depuis la première heure, devenu président de la Commission des lois à l’Assemblée en 2022, a été sondé pour entrer au gouvernement. Sa voix, depuis le ministère des Sports, aurait pu trancher avec un dispositif gouvernemental plus à droite que les précédents. Raté.
Nicole Belloubet ne suffit pas à redresser la balance
Il n’a finalement pas été retenu et dit désormais son « impression d’avoir été pris pour un imbécile. » « La justice et le mérite n’existent pas - pas pour les gens comme moi. Je n’ai pas d’amertume, juste la détermination de ceux à qui on n’a jamais rien donné », a-t-il réagi, jeudi soir, à chaud, auprès des Échos, ajoutant, dans une critique dissimulée : « Mon histoire ne s’écrit pas avec celles des puissants ou des insiders, mais avec ceux qui en bavent et sont besogneux. »
Restent donc, pour reprendre l’estampille « venus de la gauche » au sein du gouvernement, Roland Lescure à l’Industrie, Sylvie Retailleau à l’Enseignement supérieur, Agnès Pannier-Runacher mutée à l’Agriculture ou Nicole Belloubet à l’Éducation nationale. On pourrait ajouter Stéphane Séjourné, un autre ancien socialiste. Mais sa position aux Affaires étrangères ne lui permet pas de peser dans le débat national, ni sur les arbitrages du gouvernement.
C’est peu, donc, pour incarner un contrepoids au bloc renforcé venu des Républicains, comme le font déjà remarquer certains élus du camp présidentiel. Stella Dupont, une députée Renaissance qui avait déjà pris quelques distances avec son groupe au moment de la loi immigration, regrette dans un communiqué « une décision assumée de positionner ce gouvernement à droite de l’échiquier politique. »
L’Assemblée comme terrain de jeu
« Ce déséquilibre n’est pas à l’image de la majorité », ajoute-t-elle, en appelant « la sensibilité sociale et écologiste » à « faire bloc » pour s’organiser et « peser collectivement sur les textes à venir. » Arlésienne des quinquennats du président Macron, la question de la structure de cette aile gauche à l’Assemblée va, inévitablement, se poser de nouveau.
D’autant que renvoyer les ministres de cette tendance provoque une autre conséquence : leur retour au Palais Bourbon. (Re)devenus députés, Clément Beaune, Olivier Véran, Olivier Dussopt, et Élisabeth Borne vont rejoindre les bancs de l’hémicycle mardi prochain. Un terrain de jeu moins corseté que le gouvernement pour se faire entendre.
« Ça va un peu remuer au Parlement. Ils ne reviennent pas pour être des faire-valoir, ils peuvent porter des choses plus identifiées », anticipe un cadre du groupe Renaissance auprès de l’AFP, tandis qu’un député assure que la question d’un groupe autonome « est sur la table. » Sans aller jusqu’à franchir le Rubicon, l’arrivée de cette poignée d’anciens ministres pourrait ragaillardir le groupe présidentiel face à un gouvernement plus à droite que lui.
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