Relaxe de François Bayrou : pourquoi Marine Le Pen et le Rassemblement national auraient tort de se réjouir
POLITIQUE - Le jugement est tombé, le maire de Pau peut souffler. François Bayrou a été relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem. La fin « d’un cauchemar de sept années », a estimé ce lundi 5 février le Haut-commissaire au Plan, dont le sort judiciaire intéressait aussi le Rassemblement national.
Marine Le Pen et plusieurs membres de son parti sont aussi renvoyés en correctionnelle sur la base de soupçons similaires : le détournement au profit du Front national de ressources mises à disposition par le Parlement européen. Un préjudice estimé à 6,8 millions d’euros impliquant au total 27 prévenus, dont la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le député de l’Yonne Julien Odoul ou d’autres figures historiques du parti d’extrême droite, dont Bruno Gollnisch ou Jean-Marie Le Pen.
En interne, cette épreuve judiciaire est perçue comme l’un des principaux obstacles à la victoire de Marine Le Pen en 2027, puisqu’elle encourt, en plus d’une amende de 10 millions d’euros et dix ans de prison, une peine d’inéligibilité de dix ans.
« Jurisprudence Bayrou »
Raison pour laquelle les regards se tournaient vers l’issue judiciaire du procès impliquant le président du MoDem. « Pour nous, il y aura une jurisprudence Bayrou. On regardera ce qui ressortira de son procès, puisque les dossiers sont proches sur le fond », expliquait en septembre au HuffPost Louis Aliot, lui-même impliqué dans la procédure.
Ce lundi, la relaxe de ce proche d’Emmanuel Macron est donc accueillie comme une bonne nouvelle. « Ce jugement montre que c’était une mascarade montée par les technocrates et nos adversaires de l’Union européenne qui ne supportent aucune forme d’opposition de l’époque », a jugé le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, avant d’aller plus loin dans l’analogie. « À l’époque, le MoDem était un parti antisystème, notamment contre la corruption que monsieur Bayrou dénonçait très fortement. En fait tous les partis antisystèmes de l’époque, le RN, le MoDem et les Insoumis, sont poursuivis pour de vils motifs politiciens », a-t-il ajouté, cité par franceinfo.
À l’origine des toutes premières révélations qui ont conduit à ces poursuites, l’ex-eurodéputée Modem Corinne Lepage fait également le lien entre les deux dossiers. Elle s’est demandé sur franceinfo si « Marine Le Pen bénéficiera de la même bienveillance du tribunal que François Bayrou, en considérant qu’un président de parti n’est pas nécessairement au courant de la manière dont son parti est organisé ». Alors, cette décision promet-elle un avenir judiciaire radieux à Marine Le Pen ? Plusieurs éléments appellent, a minima, à la précaution.
Différence de statuts
Première différence de taille, François Bayrou n’était pas eurodéputé au moment des faits, à l’inverse de Marine Le Pen. Un détail qui a son importance, puisque plusieurs ex-eurodéputés MoDem ont été condamnés. Élu au Parlement européen et ancien vice-président du parti centriste, Jean-Luc Bennahmias a ainsi été reconnu coupable de détournement de fonds publics et condamné à 12 mois de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité avec sursis.
Au mois de septembre 2023, Marine Le Pen a remboursé la somme de 330 000 euros au Parlement européen pour éviter une saisie forcée, puisque les services de l’institution avaient enclenché l’article 100 du règlement financier, contraignant l’ex-eurodéputée à régler la somme réclamée. Si l’avocat de la triple candidate à la présidentielle a fait savoir à Mediapart que ce règlement « ne constitue en aucune façon une reconnaissance explicite ou implicite des prétentions du Parlement européen », aucune procédure du genre n’avait été déclenchée à l’encontre de François Bayrou.
Autre donnée à prendre en compte, le montant du préjudice : 350 000 euros pour le MoDem contre plus de six millions pour le RN, dont les ramifications révélées notamment par Mediapart semblent bien plus denses que ce qui a été reproché au MoDem. Ce qui, hypothétiquement, implique Marine Le Pen à deux titres : en tant qu’ancienne eurodéputée et au titre de présidente de parti.
Le « doute » bénéficie à Bayrou, mais pour Le Pen ?
Car, relaxé ce lundi « au bénéfice du doute », François Bayrou a toujours indiqué qu’il n’avait, en tant que président de parti, jamais eu à se pencher sur le travail, effectif ou supposé, des assistants parlementaires de ses élus. Le tribunal a effectivement reconnu qu’aucune preuve ne permettait d’établir qu’il avait été mis au courant de ce système. Or, le contenu de plusieurs mails révélés dans la presse à la suite des perquisitions menées en 2016 et 2017 par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) montre que l’ex-présidente FN a bien été informée de la situation de collaborateurs rémunérés par le Parlement européen mais travaillant pour le siège du siège du parti.
Parmi ces messages, cet avertissement envoyé en 2014 par l’eurodéputé FN Jean-Luc Schaffhauser à Wallerand de Saint-Just, alors trésorier du parti : « Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs… et c’est le député qui est responsable pénalement ». De son côté, Marine Le Pen a toujours nié, martelant n’avoir commis aucune infraction. Elle comparaîtra devant le tribunal correctionnel en première instance du 30 septembre au 27 novembre 2024.
Selon Le Monde, le parti d’extrême droite a déjà planifié des recours, anticipant une décision en appel qui interviendrait fin 2026, en pleine précampagne pour l’Élysée. Quant à une décision en cassation (ultime recours avant une condamnation définitive), pas avant 2028. Après l’élection présidentielle.
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