La reine des paumées

Ex. Passé un début un peu caricatural, «Jeune Femme» de Léonor Serraille s’étoffe dans l’analyse d’un pétage de plombs après une rupture amoureuse.

Paula, là où on la cueille au début de Jeune Femme, c’est la fille qui s’incruste à ta soirée et part la dernière, finit tous les verres mais a trouvé le vin tiède. Paula vient de se faire larguer, n’a pas de job et pas d’amis, et trouve que «Paris est une ville qui n’aime pas les gens» (alors que c’est elle qui ne donne aux gens aucune raison de l’aimer). Elle donne des coups de tête dans la porte de son ex au point de s’ouvrir le front («Avez-vous les idées noires ?» s’inquiète l’interne en psychiatrie) et lui pique son chat pour le retenir en otage. Bref c’est une chieuse, et comme chacun a déjà la sienne, la question se pose de l’envie de passer 1 h 37 en sa compagnie.

Jeune Femme, premier film de Léonor Serraille, commence par mal répondre à cette question, l’effet conjugué de l’outrance du personnage et de sa solitude à l’écran devenant, malgré ses saillies amusantes, un peu lassant. Mais, et peut-être est-ce là l’effet d’une femme qui en filme une autre à ce moment délicat du pétage de plombs post-rupture, Paula finit par sortir de la caricature hystérique où d’autres l’auraient laissée se débattre pour gagner en finesse et en épaisseur, à mesure qu’autour d’elle les rôles secondaires s’étoffent et que l’intrigue se déploie en divers chemins de traverse. Pour l’incarner, Laetitia Dosch, sur les épaules de qui repose totalement le film, passe du surrégime à la nuance, et si son sens de la démerde fantaisiste finit par porter ses fruits de manière pas trop en prise avec le climat économique 2017, elle parvient en revanche à montrer de manière convaincante son accès progressif à l’autonomie. La fille qui remet sa vie en ordre est un motif classique de la rom-com américaine, en version française elle y parvient finalement très bien toute seule.



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