Réforme des retraites : des milliers d'amendements déposés

L'Assemblée nationale, le 14 janvier 2020.
L'Assemblée nationale, le 14 janvier 2020.

22 159 amendements au projet de loi de réforme des retraites ont été déposés, dont 19 713 par la France insoumise. Des députés de la majorité crient au blocage législatif.

“Du zadisme législatif”. Les milliers d’amendements déposés par les députés de La France Insoumise contre le projet de loi retraites ne plaisent pas aux députés de la majorité. Pour Olivier Véran, député LaREM de l’Isère, “Ce n'est même plus de l'obstruction, c'est du ZADisme législatif et ce n'est pas à la hauteur des enjeux.”

Le député Mathieu Orphelin regrette cette méthode et estime qu’un “vrai débat parlementaire est plus utile que l'obstruction”.

Le dépôt massif d’amendements, une méthode assumée par le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon. ”Nous allons assumer que nous faisons de l'obstruction”, avait-il annoncé mercredi, alors qu’un total de 22 159 amendements ont été déposés, dont une large majorité par La France Insoumise.

Une “grève du zèle” pour Ugo Bernalicis

Objectif de ces amendements, gagner du temps, nous explique le député LFI du Nord, Ugo Bernalicis. “Un des rares moyens de réplique que l’on a, c’est de déposer ces amendements, de faire cette grève du zèle. C’est notre moyen de contribuer à la lutte, de déposer ces amendements, de les défendre, et de donner plus de temps à la lutte de s’ancrer. Oui, ça va embêter le monde, oui on veut empêcher ce texte de passer par tous les moyens possibles”.

Depuis le changement de règlement de l’Assemblée nationale, censé accélérer les échanges, l’effet de blocage est toutefois amoindri. Les amendements doivent désormais être validés en amont, rappelle le compte projet Arcadie.

“C’est mignon, ça fait sourire, mais c’est totalement inutile, cela ne bloquera rien. C’est surtout beaucoup de travail pour les services de l’Assemblée nationale. On verra combien il en restera après examen, peut-être 1000... Les députés doivent être conscients que ce n’est pas comme cela que l’Assemblée fonctionne. Pour qu’un amendement soit voté, le député doit se battre, aller voir ses collègues... Ce n’est pas en en déposant des milliers que cela va marcher. C’est du “spam” législatif, nous décrypte Tris Acatrinei, de Projet Arcadie.

Le record : plus de 130 000 amendements

Le dépôt massif d’amendements, une stratégie déjà largement utilisée par le passé. Le record absolu en matière de “blocage parlementaire” sous la Ve République concerne l'examen du projet de loi de privatisation de GDF en 2006, avec plus de 130 000 amendements. Le président de l’Assemblée, Jean-Louis Debré à l’époque, avait symboliquement posé au perchoir, croulant sous les amendements.

Une pratique ancienne

La pratique s’est développée en 1981, avec l’élection de François Mitterrand, rappelle Le Figaro. L’initiative vient de jeunes élus de droite, Jacques Toubon, Alain Madelin, François d'Aubert ou Philippe Séguin, “qui cherchent à innover et à exister dans les médias”. Depuis, la pratique est devenue fréquente. Sous le second mandat de Jacques Chirac, 248 118 amendements avaient été déposés, dont 137 665 dans le cadre du projet de loi de privatisation de Suez GDF, ajoute Libération.

Sous la législature actuelle, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) avait, en première lecture, généré le dépôt de près de 3 500 amendements, et celui sur le logement environ 3 400.

Face à ce nombre important d’amendements à examiner, le gouvernement pourrait-il avoir recours au 49.3, comme le suggèrent certains ? “C’est une possibilité, mais ce serait une grosse erreur”, reconnaît Tris Acatrinei, de projet Arcadie.