Reconnaissance des discriminations capillaires: un premier pas franchi en commission des Lois

Malgré des réticences, la proposition de loi transpartisane à article unique du député LIOT Olivier Serva, visant à spécifier les discriminations capillaires dans le Code du travail, a été adoptée en grande majorité en commission des Lois ce mercredi 20 mars.

"On ne peut pas ignorer que ce critère peut exister par lui-même [...] Il y a une attente énorme à l'extérieur sur ce texte", a déclaré l'élu de Guadeloupe juste avant le vote.

Le dépôt du texte en septembre 2023 avait entraîné des interrogations. Le Code du travail prévoit en effet déjà des sanctions contre les discriminations liées à l'apparence physique.

Souffrance physique et morale

"Le sujet transcende l'origine, l'âge ou le sexe", les cheveux sont "les premières choses que l'on voit d'une personne souvent". Comme "sur une photo de CV c'est la seule chose que l'on voit, avant la taille, le poids", a expliqué le rapporteur du texte.

Olivier Serva rappelle que cette proposition de loi "n'a pas une valeur symbolique", elle ajoute "une précision" dans le Code du travail et "consacre dans notre loi une réalité aux effets dévastateurs pour des milliers de personnes".

"On sait qu'il y a du racisme systémique en France" ont rappelé les Insoumis, employant une expression qui cristallise les tensions. "Oui mes chers collègues, les cheveux sont politiques", a affirmé le groupe socialiste en rappelant que "le passé colonial" a "imposé le cheveu lisse pour se différencier comme symbole de beauté".

"La France peut nous interdire l'abaya, mais ne peut pas nous obliger à cacher nos cheveux ou défriser nos cheveux", a déclaré la Gauche démocrate et républicaine.

De nombreux députés de gauche ont insisté sur la souffrance physique causée par les produits agressifs utilisés pour le lissage des cheveux, avec le risque de cancer qui leur est lié. La souffrance morale avec la charge mentale que demandent ces soins ou leur anticipation au quotidien a également été pointée.

Ouverture d'"une boîte de Pandore" pour les LR

En faisant allusion au "wokisme", Les Républicains ont pour leur part redouté un texte qui porte "une logique anglosaxone et victimaire dans le droit français".

"L'agenda" d'un tel texte "prête à sourire" au vu des préoccupations des Français. Moquant l'ouverture d'"une boîte de Pandore" sans limite, le groupe conservateur a considéré que ce sujet "permet" surtout à certains "de remettre à toutes les sauces la notion de racisme en France".

En France justement, "rien ne permet d'affirmer qu'une telle discrimination existe", considère de son côté la députée non-inscrite Emmanuelle Ménard. Elle préférait voir cette mesure "ni vraiment utile ni nécessaire" dans le règlement interne des entreprises, au cas par cas.

"La création d'une liste pourrait avoir un effet contre-productif", estime le Rassemblement national qui craint une dissolution du droit et a préféré s'abstenir. "Elle pourrait affaiblir" la loi existante "en limitant les discriminations physiques".

Du côté du MoDem, la députée Blandine Brocard a alerté sur les risques de sécurité et d'hygiène que pourrait poser un tel texte. "Cela dénote une méconnaissance du sujet", lui a répondu le rapporteur.

Le RN et "le rouquin"

"Ça ne m'étonne pas que le RN ne soit pas d'accord avec cette proposition de loi", s'est agacé l'écologiste Benjamin Lucas. On parle d'un parti créé par "un certain Jean-Marie Le Pen" qui a pu "dire à une époque: 'Je vais te faire courir toi le rouquin'", a tenu à rappeler l'élu sous les protestations. De son côté, le groupe Renaissance s'est montré ouvert, suscitant les remerciements appuyés du rapporteur de la loi.

Par son texte, Olivier Serva entend modifier le Code général de la fonction publique, le Code pénal et le Code du Travail, afin d'y faire apparaître une précision portant spécifiquement sur la discrimination capillaire. Ainsi après la phrase "aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite en raison de l’apparence physique" serait ajoutée la mention "notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux".

Le texte sera discuté devant l’Assemblée nationale les 27 et 28 mars prochains.

Article original publié sur BFMTV.com