Ces rares fois où les concerts de casseroles ont fait craquer le gouvernement

Un manifestant casserole en main, le 17 avril 2023, à Toulouse (Photo by Alain Pitton/NurPhoto via Getty Images)
Un manifestant casserole en main, le 17 avril 2023, à Toulouse (Photo by Alain Pitton/NurPhoto via Getty Images)

Depuis le XIXe siècle, les casseroles et cuillères sont régulièrement de sortie pour protester contre le pouvoir en place. Le bruit tapageur ne passe jamais inaperçu et a parfois porté ses fruits.

Pour célébrer l’anniversaire de l’élection d’Emmanuel Macron, La France Insoumise et l’ONG altermondialiste Attac appellent les Français à faire du bruit. Ce lundi à 20 heures, ils sont invités à se rassembler devant les mairies et dans la rue pour un "concert de casseroles". La loi portant la réforme des retraites a beau avoir été promulguée le 14 avril, une partie de l’opposition et de la population continue de faire entendre son mécontentement. Pendant que le président prononçait son allocution, lundi 17 avril, certains ont préféré éteindre leur télévision et sortir dans la rue, ustensiles de cuisine en main. Rebelote le 19 avril lors d’un déplacement du Chef de l’État à Muttersholtz, dans le Bas-Rhin, où les manifestants ont été tenus à distance. "Ce n’est pas des casseroles qui feront avancer la France", a commenté Emmanuel Macron.

D'où viennent les concerts de casseroles ?

Les premiers concerts de casseroles remontent au Moyen Âge. À cette époque, les ustensiles de cuisine étaient utilisés pour protester contre un mariage décrié. Ce rituel, appelé "chavari", visait à humilier les époux, si un veuf se remariait un peu trop vite par exemple ou avec une fille bien plus jeune. Le bruit des casseroles symbolisait alors la voix du mort censée désapprouver l’union.

Le concert de casserole prend un tournant politique en 1830, au début de la monarchie de Juillet. "Ce sont essentiellement les républicains, opposants au régime de Louis-Philippe, qui cherchent à faire entendre leur voix, en empruntant un rituel coutumier bien connu des ethnologues, qu’on appelle 'charivari'", explique l’historien Emmanuel Fureix sur France Culture en 2017. En 1832, le futur président Adolphe Thiers, accusé d’avoir trahi les idéaux de la Révolution, avait ainsi été "charivarisé" pendant plusieurs jours à Aix-en-Provence, à Marseille, à Brignoles et à Toulon. Depuis, ce bruyant mode de protestation s’est propagé à travers le monde et, dans de rares cas, a produit des changements.

Au Chili pour dénoncer les pénuries alimentaires

Par exemple, au Chili, en 1971, les femmes ont sorti les ustensiles de la cuisine pour protester contre le président, Salvador Allende. "Initialement, ce sont des femmes de milieux aisés, de droite, qui sont sorties avec des casseroles dans la rue pour dénoncer les pénuries alimentaires causées, prétendument, par le gouvernement socialiste", précise le sociologue Marcos Ancelovici au quotidien suisse Le Temps. Ce mouvement se soldera quelques années plus tard par un coup d’État du général Augusto Pinochet le 11 septembre 1973, la mort d’Allende et l’instauration d’une dictature militaire.

En Islande, la "révolution des casseroles"

À la suite de la crise financière de 2008 et de la faillite des trois plus grosses banques islandaise, une inflation à 18% submerge le pays et la monnaie perd la moitié de sa valeur, rappelle RTL. Les Islandais se rejoignent les samedis devant le Parlement à Reykjavik pour taper sur leurs casseroles. Le Premier ministre, Geir Haarde, pointé du doigt pour sa gestion, démissionne le 26 janvier 2009.

Au Canada, contre une loi limitant le droit de manifester

Des milliers de Québécois défilent casseroles en main au mois de mai 2012 en réaction à l'adoption d'une loi spéciale interdisant les rassemblements sans préavis de plus de 50 personnes. Par la suite, le gouvernement a modifié la loi.

En Argentine, contre la corruption

En 2012, des centaines de milliers d'Argentins sont descendus dans la rue pour protester contre le gouvernement de Cristina Fernandez de Kirchner. Ils dénoncent les mesures de restriction d’accès au dollar, la monnaie d’épargne de prédilection des Argentins, la corruption, le clientélisme, l’inflation et l’insécurité. Ici, les concerts de casserole ont davantage permis de renforcer l'opposition.

VIDÉO - Pour Sophie Binet, "la casserole, c'est celle de Macron"