Le rappeur Médine célèbre ses "combats politiques" dans son nouvel album "Médine France"

Le rappeur Médine - François Vallée
Le rappeur Médine - François Vallée

Le timing n'a rien d'anodin. Entre l'élection présidentielle et les législatives, Médine vient glisser la sortie de son huitième album studio Médine France ce vendredi. Comme une réponse au score historique qu'a réalisé le Rassemblement National le 24 avril dernier et aux attaques de toute part dont il a fait l'objet depuis le début de la campagne, le rappeur originaire du Havre reprend la plume, plus engagée et dénonciatrice que jamais. Rencontre avec Médine.

Apporter un regard artistique aux problèmes sociétaux

Deux ans après Grand Médine, sorti en 2020, l'interprète de Grand Paris, a changé d'optique. Fini la course vers un premier disque d'or à tout prix, comme il le confiait dans le documentaire Médine Normandie, diffusé par FranceTV Slash. Aujourd'hui la priorité du rappeur est davantage au recentrage sur soi pour livrer un discours personnel et éminemment politique.

Car depuis son précédent opus, l'artiste n'a pas cessé d'écrire. Au lendemain des nombreuses attaques et injures publiques dont il a fait l'objet notamment de la part de la député LaREM Aurore Bergé ou encore de Nicolas Bay (ex-RN, passé chez Éric Zemmour) - auxquelles il a d'ailleurs décidé de répondre "sur le plan juridique" - Médine l'assure "ce climat de tension l'inspire".

"J'ai l'impression que je suis utile quand j'apporte un regard artistique à des problèmes sociétaux. Alors j'ai observé depuis le début de la campagne présidentielle, l'évolution des discours politiques, devenus plus sécuritaires, avec comme sujet de prédilection l'islamisation et la question de l'identité française. Ça a nourri mon travail depuis plus d'un an et c'est dans ce contexte que j'ai écrit Médine France", affirme-t-il à BFMTV.com.

"Je suis en featuring avec moi-même"

Comment s'enraciner dans un pays malgré l'adversité est donc le questionnement au cœur du nouvel opus du rappeur havrais. Ce dernier tente d'y apporter une réponse en offrant son regard d'artiste sur l'identité française, comme en témoigne le morceau Allons Zenfants - réécriture de la Marseillaise version Médine - ou la pochette de l'album, lourde de sens.

Sur celle-ci, Médine a sobrement choisi d'y apposer une copie de sa carte d'identité, comme une porte d'entrée vers son histoire personnelle. C'est d'ailleurs pour cette raison que le projet ne comporte aucune collaboration avec d'autres artistes.

"Les sujets, les ressentis, les prises de position et les engagements qui y sont évoqués ne laissaient pas forcément la place à ce que quelqu'un vienne se rajouter aux propos. Et puis l'album porte mon nom, donc au final je suis un peu en featuring avec moi-même", confie Médine avec humour.

Mais outre ce discours, Médine offre à ses auditeurs quelques moments de pause comme sur le morceau Houri, où il compare sa femme et mère de ses enfants Karinale, à une beauté céleste issue de la religion musulmane.

"Je ne veux pas être dans une posture où je fais tout pour absolument être street-crédible parce que j'ai choisi des engagements qui m'empêcheraient d'avoir une légèreté. Être subversif en étant un rappeur qui parle d'amour, c'est parmi les combats les plus importants de ma vie et de ma carrière artistique", assure Médine.

Transformer la haine en art

En 2006, Médine dévoile le morceau Hotmail dans lequel il reprend toutes les attaques qui lui sont attribuées en lignes. S'il réitère l'expérience 16 plus tard sur Médine France avec le morceau Perles d'Insta, cette fois, Médine va plus loin. Il compile des véritables messages vocaux reçus de la part de ses haters sur Instagram. Un moyen de "transformer la merde en or", plaisante-t-il.

"C'est une tradition chez moi, j'ai toujours un morceau qui utilise la force négative pour la transformer en positif et en faire quelque chose d'artistique. C'est comme un carburant. Et puis pouvoir dire que je paye des vacances ou des restaurant à ma famille grâce à la haine que je reçois, je trouve que c'est une prise de karaté incroyable", assure Médine, le sourire aux lèvres.

Le Bataclan, "une vieille blessure qui se réveille"

Dans la lignée de la recherche de la positivité, Médine s'amuse quelques pistes plus tard à recenser les mauvais souvenirs qui ont marqué sa vie, tous stockés dans ce qu'il appelle son Grenier à seum. Le principe: "garder dans un coin de notre esprit les offenses qu'on a reçues pour pouvoir y revenir de temps en temps et constater comment on a évolué par rapport à ça", explique-t-il.

Parmi la liste des désagréments cités le rappeur mentionne évidemment le Bataclan. Quatre ans après la polémique autour de sa venue dans la mythique salle parisienne, cette histoire reste "une vieille blessure". "Elle se réveille de temps en temps, pas plus tard qu'il y a quelques minutes d'ailleurs", indique celui qui va se produire au Casino de Paris le 19 octobre prochain.

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Au moment de notre rencontre, le rappeur vient en effet d'apprendre que des élus de la ville de Verviers s'opposent à sa venue lors d'un festival, prévu début juin. "Ils considèrent que mes propos sont outranciers... Je pense qu'ils n'ont pas été écouter mes albums ni mes interviews", assure-t-il avant de se laisser aller aux traits d'humour. "Ce qui a de plus drôle là-dedans c'est que le festival s'appelle Libertad... Liberté à géométrie variable plutôt..."

"Mes médailles ce sont mes combats politiques"

Au-delà de la notion d’identité, cet album ressemble par certains aspects à un programme politique. Médine s'amuse tout au long du projet à en reprendre les codes et le vocabulaire comme sur le titre La France au rap français dans lequel il rappe "J'fais pas d'concert, j'fais des meetings. J'suis l'candidat l'plus légitime."

Mais à la question de savoir s’il compte s’investir un jour en politique, Médine reste unanime: "J'ai l'impression que je fais déjà de la politique à différents niveaux: dans mes textes, dans mes positions mais aussi en tant que président d’une association sportive au Havre..."

L'artiste est également mobilisé à l'échelle internationale. Récemment, il faisait notamment partie des voix artistiques engagées pour faire reconnaître par la France ce qui se passe en Chine avec les Ouïgours comme étant un génocide, thématique que Médine aborde d'ailleurs sur son titre Enfant du Destin: Sara.

"Quand je prends part à cela, quand je suis invité à Oslo par le prix Nobel de la paix, parce que j'ai écrit un morceau sur Denis Mukwege, en 2018 ou quand mon morceau Alger Pleure illustre tout un pan de l'histoire de la colonisation et de la décolonisation dans les livres d'histoire d'un lycée, c'est une forme de récompense pour mon travail", confie-t-il.

Et de conclure: "C'est peut-être une manière de me consoler mais pourquoi chercher à tout prix à obtenir un disque d'or quand mes médailles, ce sont en réalité les combats et les victoires que je mène sur le plan politique."

Article original publié sur BFMTV.com