Rachline à Fréjus, Bardella sur l’antisémitisme… Le Rassemblement national traverse une mauvaise passe

Fréjus, antisémitisme... le Rassemblement national traverse une mauvaise passe (photo de Jordan Bardella et Marine Le Pen prise le 29 juin 2022)
JULIEN DE ROSA / AFP Fréjus, antisémitisme... le Rassemblement national traverse une mauvaise passe (photo de Jordan Bardella et Marine Le Pen prise le 29 juin 2022)

POLITIQUE - Une brèche dans les vitrines. En vogue dans les sondages, le Rassemblement national connaît des jours mouvementés en ce début novembre. Alors que les enquêtes d’opinion documentent l’entrain autour de Marine Le Pen, deux épisodes embarrassants viennent gripper sa marche vers la banalisation.

Le dernier en date est signé Jordan Bardella. Le président du Rassemblement national a estimé, dimanche 5 novembre sur BFMTV, que Jean-Marie Le Pen, cofondateur du FN avec un ancien Waffen-SS n’était pas « antisémite » à ses yeux. Une déclaration qui a eu pour effet de déterrer le passé le plus gênant de sa formation politique et de remettre au jour les condamnations multiples du père de Marine Le Pen, notamment pour « contestation de crime contre l’humanité » après ses propos sur les chambres à gaz, « détail de la seconde guerre mondiale », prononcés en 1987 sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Monde.

Avant cela, les secousses sont venues de Fréjus. Dans un livre « Les Rapaces », sorti le 2 novembre aux éditions « Les Arènes », la journaliste Camille Vigogne Le Coat épingle la « mafia varoise » du RN et la gestion de la ville par son maire David Rachline, l’un des vice-présidents et figure du parti.

« Livre choc », « accablant »

« Quand il a été élu en 2014, David Rachline promettait de mettre fin à un système d’affairisme qui existait déjà avant lui », or, il l’a « amplifié », s’y « est plongé jusqu’à outrance », écrit ainsi l’autrice dans son ouvrage. Une enquête de deux ans largement relayée dans la presse et propre à ternir l’image ripolinée du parti lepéniste.

Le Parisien évoque par exemple un « livre choc. » Alba Ventura, dans son édito sur RTL le 3 novembre dernier parlait pour sa part d’un travail « embarrassant » voire « accablant » pour le Rassemblement national. Sur le fond, Camille Vigogne Le Coat a pu détailler par le menu l’affairisme du ténor RN qu’elle documente dans son livre notamment dans l’émission de France 5 « C à Vous » le jour de la sortie de son enquête.

David Rachline « nourrit des relations exclusives avec l’entrepreneur le plus important du BTP local avec lequel il partage des déjeuners, des journées entières consacrées dans son agenda, des virées en bateaux, des week-ends à Monaco et aussi des cadeaux », explique-t-elle. Elle évoque également des « largesses confirmées par des témoins », ou de l’argent liquide que David Rachline aurait reçu et dont il parle dans un enregistrement audio.

En réponse, le principal concerné dément avoir bénéficié de ces cadeaux et souligne ne faire l’objet d’aucune enquête judiciaire. « Je n’ai jamais reçu aucune enveloppe de quiconque. Je gagne honnêtement ma vie et d’ailleurs, tous mes revenus sont publics puisqu’ils proviennent exclusivement de mes mandats électifs », explique David Rachline dans un communiqué publié dans les annexes des « Rapaces » en appelant à « arrêter les fantasmes et les fausses accusations. »

Il n’empêche, ce livre met au jour le hiatus entre l’exemplarité promise par Marine Le Pen et ses troupes et la réalité des choses à Fréjus, ville administrée par le parti depuis 2014 et censée en être l’une des vitrines.

Quand Bardella fait ressurgir le FN

Invité de BFMTV dimanche 5 novembre, Jordan Bardella a semblé bien à la peine pour défendre sur le fond David Rachline, un de ses très proches. Le président du Rassemblement national a en tout cas botté en touche, expliquant que le « bouquin » de Camille Vigogne Le Coat est le fruit « d’une militante politique » qui mène un « combat politique. » « Monsieur Rachline, son seul juge, ce sont les électeurs », a-t-il répondu alors qu’il était précisément interrogé sur la montre que le chauffeur de David Rachline a achetée, 15.000 euros en argent liquide, à la demande du maire de Fréjus.

C’est au cours de cette même interview sur la chaîne d’information que le président du Rassemblement national a fait une sortie particulièrement remarquée, plaçant à nouveau son parti sur le devant de la scène. Toujours pour des raisons peu reluisantes. « Je ne crois pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite » , a-t-il ainsi affirmé, en ajoutant cependant qu’il n’aurait « pas tenu les propos qu’il a tenus sur le point de détail, parce que pour moi l’horreur de la Shoah n’est pas un point de détail de l’Histoire. »

Des mots qui ont suscité de nombreuses critiques dans la classe politique. Sur le réseau X (Twitter), plusieurs élus ou responsables, à l’image de l’insoumis Alexis Corbière ou du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, en profitent pour rappeler l’histoire du FN devenu RN. Un parti cofondé par des antisémites notoires, et qui se présente aujourd’hui comme le premier défenseur des personnes de confession juive.

Yonathan Arfi, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) a pour sa part dressé la longue liste des sorties antisémites publiques de Jean-Marie Le Pen, « l’un des prédécesseurs » de Jordan Bardella, condamné à plusieurs reprises pour des propos racistes ou négationistes. Une façon de ramener le Rassemblement national d’aujourd’hui à ses origines. Et d’essayer de faire craquer le vernis de la normalisation.

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