Le rêve américain de Total, une chimère

La petite musique qu’entonnent les plus grands groupes pétroliers et gaziers du continent européen évoque l’air du joueur de flûte de Hamelin : les États-Unis et leur libéralisme économique historique seraient, au contraire de l’Europe, la terre promise des industries fossiles. Début avril, l’ancien PDG de Shell affirmait ainsi dans le Financial Times que le géant anglo-néerlandais serait “massivement sous-évalué” à la Bourse de Londres, et gagnerait à migrer aux États-Unis. “En Europe, tout est lent”, lui faisait écho le PDG de TotalEnergies, le 29 avril, devant une commission d’enquête au Sénat, pour justifier de son désir de quitter la Bourse de Paris.

Dans la presse économique anglo-saxonne, Patrick Pouyanné disait envisager une cotation à New York. À Bloomberg, il explique que le marché soutient sa stratégie consistant à rester un “acteur majeur du pétrole et du gaz”, tout en investissant “5 milliards de dollars par an” dans les énergies bas carbone et les renouvelables. Devant le Sénat, en France, il enfonce le clou : “Quand la demande de pétrole déclinera, on déclinera avec elle.” Comprendre : son groupe ne peut aller vers les renouvelables que très doucement – et pas à marche forcée, comme le voudrait l’Europe.

Les actionnaires de l’autre côté de l’Atlantique seraient-ils moins concernés par l’avenir de la planète et l’effet du réchauffement climatique sur l’économie ? Par définition, l’actionnaire, qu’il soit français, anglais ou américain, déteste l’incertitude, qui l’empêche d’imaginer les dividendes de demain. Se projeter aujourd’hui sur le marché de l’énergie est “devenu très difficile, à mesure que le monde se tourne vers des sources d’énergie plus propres”, remarque The New York Times. Le troisième fonds de pension américain, le New York State Common Retirement Fund, l’a bien compris. Il annonçait la semaine dernière “réduire ses investissements dans Exxon et d’autres entreprises de combustibles fossiles”. Au quotidien américain, il explique “que les politiques à venir vont très probablement nuire aux bénéfices des entreprises qui ne sont pas préparées à la transition”.

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