Un résistant de Corrèze révèle l'exécution de 47 prisonniers de guerre allemands en 1944

Il n'en avait jamais parlé. À 98 ans Edmond Réveil, ancien membre de la Résistance durant l'Occupation allemande, a choisi une assemblée générale de l’Association nationale des anciens combattants pour révéler que sa section des Francs tireurs partisans (FTP) de Meymac, en Corrèze, avait exécuté 47 prisonniers de l'armée allemande et une femme française, rapporte Le Parisien. C'était le 12 juin 1944 et Edmond Réveil avait 18 ans. Il est aujourd'hui le dernier témoin du massacre encore en vie.

Son témoignage a été enregistré et va permettre d'organiser des fouilles pour tenter d'exhumer les corps qui gisent probablement toujours à Meymac. Le maire de la commune dit qu'il n'était "pas du tout au courant" de cet événement et il n'existe d'ailleurs aucune trace de ces dépouilles dans les archives municipales.

"Ça sentait le sang"

En juin 1944, Edmond Réveil est agent de liaison au sein des FTP. Le 8 juin, il participe à l'attaque de l'école normale de filles de Tulle, en Corrèze, qui abrite une centaine de soldats de la Wehrmacht. Plusieurs dizaines d'entre eux sont tués et 55 sont arrêtés, de même qu'une femme française, membre de la Gestapo.

Sept soldats tchèques et polonais du contingent sont transférés vers l'unité de la MOI (Main d’œuvre immigrée). Les 48 autres prennent la route de Meymac à pied, encadrés par un groupe de résistants. Après 60 kilomètres parcourus à travers les bois, ils finissent par trouver refuge dans une étable de la commune, après que les autres groupes résistants aient refusé de prendre en charge les prisonniers. C'est là qu'un groupe interallié à Saint-Fréjoux (Corrèze) et duquel dépendent les Francs tireurs partisans de Meymac leur donne l'ordre d'abattre leurs prisonniers.

Edmond Réveil raconte l'enchaînement des étapes de l'exécution: "Chaque maquisard avait son bonhomme à tuer. Il y en a, parmi les gars, qui n’ont pas voulu, dont moi. (...) La femme française, personne ne voulait la tuer. Ils ont tiré au sort… Ce jour-là, il faisait une chaleur terrible. On leur a fait creuser leur propre tombe. Ils ont été tués, on a versé de la chaux sur eux. Je me souviens que ça sentait le sang. On n’en n’a plus jamais reparlé. C’est pas marrant, vous savez, de fusiller quelqu’un".

79 ans plus tard, l'événement était seulement mentionné dans un ouvrage de l'historien Bruno Kartheuser. Mais dans la mémoire collective, le récit n'existait pas.

"C’était une faute"

Ce récit se heurte à la mémoire locale limousine, région résistante et martyre de l'Occupation allemande. Après l'attaque de l'école normale de Tulle par les FTP, les Allemands avaient répliqué par la pendaison de 99 habitants de la ville. Le massacre de 643 personnes à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944 dans le département voisin de la Haute-Vienne, a aussi beaucoup marqué les maquisards et la région.

"On peut le dire, c’était une faute de tuer comme ça des prisonniers de guerre", considère aujourd'hui Edmond Réveil, qui vit toujours à Meymac.

Le résistant n'avait jamais fait part de cette histoire, même pas à sa famille. "Il s’est dit que s’il n’en parlait pas, personne jamais ne le saurait", partage au Parisien Joël Bezanger, conseiller municipal de la commune et ami d'Edmond Réveil.

Le nonagénaire dit maintenant vouloir que les descendants des prisonniers exécutés sachent ce qui est arrivé à leurs aïeux. L’ONAC, l’Office national des anciens combattant, a annoncé que des analyses par géoradars devaient être conduites en juin en vue d'une exhumation dans le courant de l'été. L'objectif est que les services allemands pour les sépultures de guerre puissent, à terme, prendre en charge les dépouilles.

Article original publié sur BFMTV.com