Réseaux sociaux : ce que change la loi sur l’accord parental pour les moins de 15 ans qui vient d’être adoptée

Pour les mineurs de moins de 15 ans, un accord parental sera nécéssaire pour s’inscrire sur les réseaux sociaux.
Pour les mineurs de moins de 15 ans, un accord parental sera nécéssaire pour s’inscrire sur les réseaux sociaux.

PARENTALITÉ - 8 ans et demi. C’est l’âge moyen de la première inscription sur un réseau social, en France, selon des données de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Un chiffre que les élus voudraient voir baisser dans les prochaines années.

Le Sénat a définitivement adopté jeudi 29 juin, l l’obligation pour les réseaux sociaux de vérifier l’âge de leurs utilisateurs et de réclamer l’accord des parents quand ils ont moins de 15 ans, un âge qui correspond généralement à l’entrée au lycée. Cette loi était portée par le député Laurent Marcangeli, élu Horizons de la Corse-du-Sud.

Le texte instaure donc une majorité numérique en France, dans le but de protéger les plus jeunes des dérives de ces plateformes. Ce qui change beaucoup de choses pour les géants que sont TikTok, Snapchat ou Instagram, où les inscrits sont parfois très jeunes, mais aussi pour les parents et leurs enfants.

Vérification de l’âge et accord parental

Pour rappel, s’inscrire sur les réseaux sociaux est interdit pour les moins de 13 ans, selon les conditions d’utilisation des différents réseaux. « Ils se sont basés sur la législation américaine », explique au HuffPost Rémy Chemla, attaché parlementaire de Laurent Marcangeli. Problème : dans les faits, il suffit d’indiquer une autre date de naissance lorsque l’on s’inscrit pour contourner cette règle. Selon la CNIL, qui reprend les chiffres de l’enquête de Génération numérique parue en mars 2021, 63 % des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social en France.

Si la loi n’a pas fixé d’âge plancher pour s’inscrire sur les réseaux, elle prévoit de les obliger à vérifier l’âge de leurs utilisateurs lors de l’inscription. Et donc les forcer à respecter leurs propres conditions d’utilisation. Les réseaux sociaux devront ensuite obtenir « l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale » pour valider l’inscription des mineurs de 13 et 14 ans.

Pour ce faire, ils utiliseront « des solutions techniques conformes à un référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), après consultation de la CNIL », indique la loi définitivement votée ce jeudi. Et si l’absence à ce jour d’un dispositif faisant l’unanimité a été relevée lors des débats, les parlementaires ont néanmoins estimé que cela ne devait pas les empêcher d’envoyer un signal fort.

Concernant l’accord parental, « l’une des pistes envisagée pourrait être la mise en place d’un système similaire à la double authentification », selon Rémy Chemla. « Par exemple, un parent pourrait recevoir un SMS pour autoriser ou non l’inscription », indique-t-il.

Une amende jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial

Le texte prévoit d’autres obligations pour les réseaux sociaux, au moment de l’inscription : ils seront tenus d’informer les parents et les enfants en question sur « les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention », ainsi que sur les conditions d’utilisation de leurs données personnelles, comme le rappelle le site officiel vie-publique.fr. La loi impose aussi l’activation d’un dispositif de contrôle du temps d’utilisation pour les mineurs de n’importe quel âge.

Quid des enfants de moins de 15 ans déjà inscrits sur ces plateformes ? Deux solutions s’offrent aux titulaires de l’autorité parentale : demander la suspension du compte, ou donner leur accord aux réseaux sociaux - ces derniers disposent de deux ans pour recueillir l’autorisation des parents.

S’il y a des manquements, les réseaux sociaux s’exposeront à une amende allant jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. La loi fixe néanmoins un délai minimum d’un an pour l’entrée en application du dispositif de vérification de l’âge et de l’accord parental, une fois que la loi sera entrée en vigueur.

Un article qui autorisait un accès à des réseaux dit « labellisés », avec accord parental, pour les moins de 13 ans a été supprimé en cours d’examen. Les encyclopédies en ligne à but non lucratif, comme Wikipédia, ont, elles, été explicitement exclues du champ du texte.

Protéger contre le harcèlement

Le texte dispose aussi d’un volet consacré à la lutte contre le harcèlement en ligne. Les réseaux sociaux devront à ce propos diffuser des messages de prévention et indiquer le numéro vert pour lutter contre le cyberharcèlement (le 3018). Ils devront également « permettre à tous leurs utilisateurs de signaler davantage de contenus illicites afin qu’ils soient retirés », toujours selon le site vie-publique.fr. Cela concerne par exemple les faits de chantage, d’atteinte à la vie privée ou à la représentation de la personne (les fameux deepfake qui détournent en photo ou en vidéo l’image d’un individu).

Dans le cadre d’une enquête pénale, les plateformes en ligne auront par ailleurs dix jours pour répondre aux réquisitions judiciaires sur des contenus électroniques, que ce soit du texte, des photos ou des vidéos. Un délai qui sera réduit à 8 heures maximum dans les cas d’urgence « résultant d’un risque imminent d’atteinte grave aux personnes ». Aucun délai n’existait à ce jour.

D’ici un an, le gouvernement sera tenu de remettre au Parlement un rapport sur les conséquences de l’utilisation des plateformes en ligne, de la surinformation et de l’exposition aux fausses informations sur la santé physique et mentale des jeunes.

La date d’entrée en vigueur de cette vaste loi reste toutefois encore incertaine. Elle sera fixée dans la foulée d’un avis de la Commission européenne sur sa conformité avec le droit européen. Mais ce texte « ne pourra suffire à mettre fin à lui seul aux dérives », a admis son initiateur Laurent Marcangeli.

Mercredi, lors d’une prise de parole à l’Assemblée, le député de la Corse a appelé à « avancer sur les techniques de vérification de l’âge en ligne et à investir massivement dans l’éducation au numérique pour les parents, les enfants et les enseignants ».

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