Régionales: l'abstention atteint des sommets historiques au premier tour avec un taux de 67,2%

Des isoloirs à Lyon, lors des élections départementales et régionales dimanche 20 juin 2021 - Philippe Desmazes - AFP
Des isoloirs à Lyon, lors des élections départementales et régionales dimanche 20 juin 2021 - Philippe Desmazes - AFP

Tendance lourde de ces dernières décennies, l'abstention a atteint ce dimanche de nouveaux sommets. À l'occasion du premier tour des régionales, son taux s'est établi à 67,2%, selon le ministère de l'Intérieur. Des chiffres proches des projections à 67,50% données dès 18 heures par l'institut Elabe pour BFMTV, ce qui représente quelque 33 millions d'abstentionnistes, a indiqué le président d'Elabe Bernard Sananes sur notre antenne.

En mai 2021, 47,9 millions de personnes étaient inscrites sur les listes électorales françaises, indiquait l'Insee.

Si les différents scrutins ne mobilisent pas de la même manière l'électorat, la participation de ce premier tour se révèle être la plus faible de tous les votes de la Ve République, à l'exception du référendum de 2000 portant sur le passage du septennat au quinquennat, où le taux d'abstention avait été de 69,81%.

En 2004, 2010 et 2015, l'abstention au premier tour des régionales avait été de 39,16%, 53,67% et 50,09%. Si un léger fléchissement avait été observé en 2015 après des années de hausse, ce premier tour de 2021 marque le franchissement d'un nouveau palier, avec un effondrement de la participation.

"Crise de la représentation"

Benjamin Morel, maître de conférence en droit public à l'université Paris II - Panthéon Assas, voit en ce nouveau record d'abstention une "crise de la représentation", qui tiendrait notamment du fait de l'organisation de la vie politique française, qui serait en quelque sorte préemptée par la course quinquennale à l'Élysée.

"On a un système politique qui est totalement orienté vers la présidentielle, très bonapartiste, avec à chaque élection présidentielle l'élection d'un 'sauveur' et ensuite des élections intermédiaires qui sont perçues comme ayant un enjeu relativement limité", estimait l'enseignant dimanche sur BFMTV.

"Il y a pour cette élection le sentiment que 'mon vote n'aurait pas changé les choses, ça n'aurait pas changé ma vie quotidienne', c'est très différent sur une élection présidentielle, où on a le sentiment que là on va donner un pouvoir à quelqu'un, qui va pleinement l'exercer", abonde Bernard Sananes toujours sur notre antenne.

Le président de l'institut Elabe note toutefois "un paradoxe" au vu des chiffres de l'abstention:

"Un des mots dont on a le plus parlé pendant un an avec la crise Covid, c'est la proximité, proximité des décisions, proximité des territoires. Les Français ont envie d'un retour à la proximité, mais l'échelon régional n'incarnait pas aujourd'hui cette proximité", croit savoir le sondeur.

Désintérêt et manque de confiance

Si l'abstention a régulièrement atteint des records au gré des différents scrutins des dernières années, il était pressenti qu'elle soit forte ce dimanche. Selon notre sondage Elabe pour BFMTV diffusé mercredi, seules 36% des personnes interrogées se disaient certaines de se rendre aux urnes au premier tour. 10% envisageait "sérieusement" d'aller voter, sans toutefois en être certaines.

Parmi les raisons avancées, 43% des abstentionnistes interrogés déclaraient ne pas faire confiance aux politiques. Un désintérêt était aussi pointé à 30%. Le manque d'informations était aussi une des raisons avancées pour ne pas se rendre au bureau de vote. 35% des abstentionnistes faisaient état du fait qu'ils ne connaissaient pas les candidats et listes en lice, et 10% ignoraient que des élections se tenaient ce week-end.

Sur un plan plus politique, 34% des personnes estimaient qu'aucune liste ne convenait à leur sensibilité. Enfin, 32% avançaient des raisons pratiques, comme leur indisponibilité.

Selon le sondage Ifop réalisé ce 20 juin à l'occasion du premier tour des régionales, la tranche d'âge la plus abstentionniste serait celle des moins de 35 ans, à 82%. Les femmes se seraient également plus abstenues (71%) que les hommes (65%).

Désaveu cinglant de la classe politique? Situation conjoncturelle à mettre en regard avec la fin d'une période marquée par de nombreuses restrictions sanitaires? Cette abstention se situe certainement à la croisée de plusieurs facteurs. À un an de la prochaine présidentielle, cela sonne toutefois comme une mise en garde adressée aux dirigeants.

Article original publié sur BFMTV.com