Réforme des retraites: pourquoi le gouvernement risque de passer par un 49.3 à l'Assemblée

À une semaine jour pour jour du retour de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, l'exécutif croit toujours à un vote en bonne et due forme par les députés. Officiellement du moins. L'hypothèse d'un 49.3, cette disposition constitutionnelle qui permet d'adopter un texte, sans passer par le vote des députés, est en réalité dans toutes les têtes.

"Notre objectif est de faire adopter ce texte et de le faire adopter sans 49.3. Notre majorité sera unie pour le voter", a ainsi assuré le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini ce jeudi sur Public Sénat.

"Impossible de savoir de quel côté la pièce va tomber"

Avec un soulagement: le Sénat a adopté l'article 7 qui recule l'âge de départ à 64 ans dans la nuit de mercredi à jeudi et les sénateurs LR ont bon espoir de parvenir à voter tout le projet de loi d'ici dimanche soir minuit. Il faut dire que la droite sénatoriale n'a eu de cesse ces dernières années de voter le recul de l'âge de départ lors des budgets de la Sécurité sociale.

Mais en réalité, les calculettes tournent dans les rangs de la macronie alors que le recours au 49.3 semble plus probable que jamais au Palais-Bourbon. En l'absence de majorité absolue, la droite est essentielle pour faire voter le texte et doit amener au moins une quarantaine de voix au gouvernement. Mais le groupe est très divisé.

Si Olivier Marleix, le président de groupe, et Éric Ciotti, le patron du mouvement, sont pour la réforme, au moins une dizaine d'élus LR sont contre, à commencer par Aurélien Pradié. Une petite poignée est encore indécise et pourrait se tourner vers l'absention.

"On a 64 auto-entrepreneurs sur les 64 députés LR. Chacun tient sa petite boutique. C'est impossible de savoir de quelle côté la pièce va tomber", résume ainsi un député Renaissance.

Des hésitants sur les bancs des macronistes

Un collaborateur du groupe LR est sur le même tonalité, expliquant ne "pas être en mesure de faire un décompte précis". Élisabeth Borne a pourtant bien tenté de mettre du liant, en lâchant du lest sur les carrières longues, un prérequis pour une partie des députés de droite, tout comme sur la surcote pour les mères de famille.

"Je souhaite que cette loi soit votée, que chacun puisse prendre ses responsabilités. Nous avons eu des discussions avec, y compris, des groupes de l’opposition pour s’assurer qu‘un maximum de députés votent cette réforme", a expliqué la Première ministre, lundi soir sur France 5.

Mais, autre caillou dans la chaussure de Matignon, Renaissance est loin d'être certain de faire les comptes dans ses propres rangs. 3 députés dont l'ancienne ministre Barbara Pompili, ont fait savoir lors d'une réunion de groupe cette semaine leurs réticences à voter en faveur de la réforme.

"La question de la cohérence politique" pour Horizons et le Modem

La réponse a été claire: la direction du groupe à l'Assemblée a acté que tout élu qui voterait contre ou s’abstiendrait serait exclu, d'après des informations de BFMTV.

"Nous assurons l'unité de notre groupe. En cas de problème, on ne pourra pas dire que ce sera la faute de Renaissance", décrypte Guillaume Karasbian, président de la commission des affaires économiques et proche de la numéro 1 du groupe, Aurore Bergé.

Autant dire que les regards se tournent vers Horizons, avec qui les relations très dégradées ont été exposées au grand jour avec le rejet de deux propositions de loi, l'une sur le rétablissement des peines planchers et l'autre sur l'inégibilité des auteurs de violences aggravés. Yannick Favennec (apparenté Horizons) ou encore les Modem Richard Ramos et Philippe Bolo hésitent.

"Si nos partenaires ne votaient pas cette mesure contenue dans le programme présidentiel, la question de la cohérence politique se poserait", juge ainsi la députée et porte-parole du groupe Prisca Thevenot.

Le "coût politique important" du 49.3

Quant aux députés LIOT qui comptent de nombreux centristes et d'anciens macronistes, la majorité d'entre eux devraient voter contre le texte. Autant dire que le gouvernement qui ne compte pas reculer en dépit de la pression des syndicats n'a guère d'autre choix que de dégainer la cartouche du 49.3.

"On préférerait tous évidemment voter et à la fin faire adopter le projet de loi. Mais entre un rejet du texte parce qu'on n'a pas assez de soutiens ou un 49.3, on va choisir la seconde option", assume un élu macroniste.

C'est que l'utilisation de cette arme constitutionnelle envoie un mauvais signal pour la Première ministre dans un contexte politique déjà très compliquée, entre syndicats vent debout et des Français qui rejettent très majoritairement la réforme des retraites.

"C'est un coup politique important. Ça voudra dire d'une certaine façon qu'on n'a pas réussi notre pari de convaincre ni les Français ni les députés", regrette un député de l'aile gauche de la majorité.

Une première pour une réforme des retraites

Et de pointer du doigt les précédents 49.3 utilisés par la Première ministre - 10 depuis le début de la mandature: "Sur les textes budgétaires adoptés de cette façon, les gens comprennent. On ne peut pas faire tourner la France sans un budget de l'État ou de la Sécurité sociale. Là, c'est vraiment plus délicat".

À l'exception de la retraite à points adoptée en février 2020 par 49.3 puis abandonnée pour cause de Covid-19, toutes les réformes liées au recul de l'âge de départ ont été votées par le Parlement.

Article original publié sur BFMTV.com