Réforme des retraites : Le monde de la culture a fini par s’en emparer

Une gigantesque mascotte à l’effigie de la justice, créée par les équipes du Théâtre du Soleil, défile dans la rue, à Paris, contre la réforme des retraites, en février 2023.
Une gigantesque mascotte à l’effigie de la justice, créée par les équipes du Théâtre du Soleil, défile dans la rue, à Paris, contre la réforme des retraites, en février 2023.

POLITIQUE - La retraite à 64 ans ? 71 % de Français n’en veulent pas, d’après la dernière vague du sondage YouGov pour Le HuffPost. Ce mardi 7 mars, et après avoir réuni entre 1,3 et 2,8 millions de personnes opposées au projet de réforme d’Élisabeth Borne, les syndicats espèrent faire encore plus fort en mettant « la France à l’arrêt dans tous les secteurs ».

Car oui, tous les secteurs, et pas seulement les transports, les écoles ou les raffineries, sont concernés. C’est aussi le cas de celui de la culture, comme plusieurs stars du milieu l’ont rappelé, Adèle Haenel notamment. Au cours d’une réunion publique « féministe et antiraciste » organisée dans le courant du mois de février à l’université Paris VIII, l’actrice césarisée a exprimé son soutien « à la grève comme unique moyen de se faire entendre ».

« Il faut bloquer économiquement le pays [...]. Je crois en notre force collective. La jeunesse, vous pouvez déborder l’intersyndicale. Faites confiance à votre force de contagion », a-t-elle lancé devant 350 étudiants, avant de conclure : « J’ai joué dans un film qui s’appelle ’Portrait de la jeune fille en feu’, et aujourd’hui j’ai envie de dire : Vous pouvez mettre la misère aux capitalistes et aux bourgeois et faire le portrait de la jeunesse en feu. »

200 personnalités dont la prix Nobel Annie Ernaux, Céline Sciamma et Assa Traoré, ont apporté leur soutien à l’actrice, victime de commentaires sexistes depuis qu’elle a tenu ces propos. Ensemble, elles ont signé un texte, publié sur le site du JDD, vendredi 3 mars.

Un peu plus tôt cette année, Adèle Haenel était de celles et ceux qui, dans une tribune publiée chez Politis, ont dénoncé la réforme du gouvernement, une réforme dont l’objectif « à rebours de l’histoire sociale est de faire travailler plus et plus longtemps des femmes et des hommes qui aspirent au repos et à donner libre cours à leurs projets dans un moment privilégié de la vie ».

La tribune compte une centaine de signataires, parmi lesquels des figures du cinéma français, comme Felix Moati, Romane Bohringer, Corinne Masiero et le réalisateur Lucas Belveaux. On y trouve également des noms de la musique actuelle (Dominique A, Barbara Carlotti), mais aussi celui de la Nobel de littérature 2022, l’ex-animatrice de M6 Valérie Damidot et l’humoriste de France Inter Guillaume Meurice.

Des musiciens usés

Ceux qui se qualifient eux-mêmes d’intellectuels disent « non » à cette réforme qui « va frapper plus durement ceux qui exercent les métiers les plus difficiles, usants – tant physiquement que psychologiquement –, et qui ont moins de chances de profiter d’une retraite paisible et de s’imaginer un avenir après 64 ans ».

C’est ce qu’a dénoncé Karine Huet, l’une des musiciennes de l’orchestre des dernières Victoires de la musique. Dans un discours fort prononcé en direct, elle a rappelé que tenir l’excellence exigée par le public n’est plus tenable à 64 ans « quand on a commencé l’instrument à 6 ans ».

C’est pour ça qu’elle « manifeste actuellement ». Et ce, comme beaucoup d’autres Français, dont l’actrice Jeanne Balibar (Barbara, Illusions perdues) qui, depuis le début de la mobilisation, partage des photos des manifestations auxquelles elle a décidé de prendre part. « Engagez-vous comme femme de chambre dans un grand hôtel, et vous allez en apprendre, en huit jours, plus sur la pénibilité du travail que dans toutes vos études », a, de son côté, envoyé à l’adresse d’Élisabeth Borne Ariane Mnouchkine, célèbre metteuse en scène que BFMTV a croisée au milieu des banderoles de son équipe du Théâtre du Soleil.

Les écrivains en colère

Tandis que l’écrivain Didier Eribon (Retour à Reims) salue sur Instagram les « centaines de milliers de manifestants » venus « dire non à Macron et à sa politique de démolition des services publics », Nicolas Mathieu, sur le même réseau social, a exprimé sa colère. Et ce, au gré du récit bouleversant de son père retraité et épuisé, dont la mémoire n’a gardé des années passées que son temps au travail.

« Quand j’entends des trous du cul qui ont la chance comme moi de faire un taf qui leur plaît, n’est pas salissant et leur assure une espérance de vie supérieure de dix ans à celle de mon père, expliquer que des tas de gens aiment leur job, me viennent des colères ascensionnelles, des envies de pédagogie à coups de marteau », écrit le lauréat du Goncourt.

« Là-dessus, il faut être intraitable, conclut l’auteur du roman Leurs enfants après eux. Chaque fois qu’il faudra jouer la vie contre le travail, on n’hésitera pas. » Même son de cloche chez Pierre Lemaitre qui, au micro de France Inter, a dit se « radicaliser avec l’âge » : « Plus le temps passe et plus ma colère se développe », concède l’écrivain de 71 ans. Ce mardi, les chances de le croiser lui et les autres artistes précédemment évoqués dans la rue sont fortes.

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